À ce nom fatal, il tremble, il frissonne

Quand l'auteur, metteur en scène et comédien suisse François Gremaud déclare sa flamme à une pièce immense de Racine ("Phèdre"), ça donne une fausse conférence à succès pleine d'humour, d'à-propos et de théâtre dans laquelle il décortique l'objet de son culte. Une très grande réussite à découvrir à la MC2.


Flash-back. Adolescent, alors qu’il vit douloureusement un amour à sens unique, François Gremaud trouve dans un bouquin vieux de quelque 400 ans un réconfort, que ce soit du côté des mots (des alexandrins parmi les plus beaux de la langue française) que de l’histoire même (un amour là aussi impossible). La rencontre entre le futur homme de théâtre et le chef-d’œuvre qu’est Phèdre de Jean Racine est viscérale, charnelle. « Je sentis tout mon corps et transir et brûler », comme le déclame Phèdre.

Retour au présent. À 40 ans passés, après un début de carrière bien rempli, François Gremaud décide d’enfin se confronter à ce texte-monstre, mais en l’attrapant par un bout atypique : celui, justement, de son obsession. Pas question ici de livrer une énième version de la tragédie : François Gremaud privilégie la forme de la (fausse) conférence pour transmettre sa passion au public – d’abord des jeunes, le spectacle ayant été pensé pour être joué dans les écoles, puis tout un chacun au vu du succès rencontré depuis sa création en 2017.

À la fin, elle meurt

« Le véritable sujet de Phèdre ! est l’admiration que son unique protagoniste – Romain, façon jeune orateur – voue à la tragédie de Racine », écrit François Gremaud dans la préface de son texte. Seul sur le plateau, le comédien Romain Daroles porte les mots emplis de dévotion et d’humour de François Gremaud. Il donne vie à un texte habilement construit entre véritables informations sur le récit (« je ne vais ma foi pas vous le cacher plus longtemps, en effet, notre reine, Phèdre, meurt à la fin de la pièce ») et digressions ludiques sur la construction des alexandrins, la Grèce antique ou encore une ancienne connaissance appelée Aude Javel (François Gremaud part souvent très loin, et tant mieux).

En 1h40, le duo François Gremaud/Romain Daroles offre une aventure joyeuse et, surtout, généreuse. Alors que les œuvres du répertoire peuvent effrayer certains spectateurs (surtout quand elles sont mises en scène de manière pompeuse), le premier a tout fait pour rendre ce récit d’amour et de mensonges accessible à tous sans trahir les mots de l’auteur. Certains vers de Racine sont d’ailleurs interprétés par le second, qui est aussi bien hilarant (notamment lorsqu’il se sert d’un unique accessoire pour figurer chacun des personnages – gros indice sur la photo de cet article) que brillant. Un spectacle à mettre devant tous les yeux ; surtout ceux qui sont convaincus de ne pouvoir que se fermer face à ce qu’il est coutume de nommer le théâtre classique.

Phèdre ! du mardi 3 au jeudi 5 mai à la MC2 ; de 5€ à 28€


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