Carte postale

L'édito du PB 1190 du 27 avril 2022. 


Cher lecteur/lectrice,
Je t'écris depuis la bien nommée Île de beauté où le soleil est arrivé. C'est fou comme en quelques heures, on adopte un paysage, des repas, un accent, des noms de villages et de sommets. On noue tout aussi vite des complicités avec des inconnus. On s'éloigne de sa vie en un éclair, et nous voilà dans un quotidien délicieusement neuf, étonnamment naturel. Mon compagnon de voyage est un petit Corse couleur caramel, aux sabots de danseuse et au torse puissant, plein de facéties. Mon cheval joue, mord, sautille, s'agite comme un enfant hyperactif. J'oublie tout. Mais quand même, en regardant la robe d'Eden caressée par la lumière, au milieu de ces montagnes qui n'ont pas les mêmes couleurs que chez nous, une pensée : dans une demi-heure, la France aura peut-être la première présidente de son histoire. « En vrai, ça sert vraiment à quelque chose qu'on vote ? » C'est à peu près le seul commentaire que j'aurais entendu de la part des Corses. Un œil sur internet, quand même, à 20h : pas de dénouement surprise. J'ai coupé, je lis Bartabas : « Je vois parfois dans le regard d'un cheval la beauté inhumaine d'un monde d'avant le passage des hommes. » Les discours, les analyses, les réactions, le nouveau gouvernement, le nom du ministre de la Culture ? Non, désolée, mon seul centre d'intérêt à l'heure qu'il est, ce sont les doux yeux bleutés d'Eden.


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Peer Gynt : le dernier jour du reste de sa vie