Gabber Modus Operandi, extrêmes sensations

Attention, choc : mêlant pop indonésienne, gamelan, metal et rave, Gabber Modus Operandi est assurément l'une des grosses sensations du moment, à ne pas rater au Ciel le 8 juin. On vous raconte pourquoi.


Quand on les a découverts sur YouTube il y a trois ans maintenant, par le biais d'un clip complètement halluciné, nous n'étions pas prêts pour un choc pareil. Car au-delà du clip, où l'on ne sait plus très bien si nous sommes plongés dans une cérémonie religieuse extrême ou une free-party partie en sucette, dans le casque se catapultait le son de ce morceau baptisé Dosa Besar. Non pas du gabber épique, mais plutôt un hardcore lent, dark, psychédélique, complètement barré du côté des colorations très noires qu'un Manu le Malin pouvait jouer à sa grande époque, sans avoir besoin, du tout, d'un kick lourd et rapide pour imposer une autre vision de la musique extrême. Gabber Modus Operandi, d'emblée, s'imposait dans un ailleurs où la transe fait flipper, où l'ambiance est pesante mais addictive, nourrie en sus de puissantes percussions directement puisées à la source, dans l'histoire musicale de leur pays natal, l'Indonésie.

Bien sûr, le gamelan prend une large place — et l'origine de son nom, venu de "gamel" qui veut dire "frapper", n'a rarement semblée aussi juste. Le gamelan, c'est un style de musique mais surtout un orchestre de percussions utilisant métallophones, gongs et tambours du style demung ou saron pour provoquer de longues nuits hallucinées, accompagnant danseuses ou danseurs, mais aussi parfois le traditionnel et ancestral théâtre d'ombres local, le wayang kulit, qui se joue avec des marionnettes spécialement conçues pour cet art.

Gamelan

Et de ces arts, de ces ombres, Gabber Modus Operandi s'en nourrit largement, créant ainsi un hybride hyper-moderne et loin de toutes les conventions techno — où les décharges sonores inspirées par le gabber néerlandais (une techno extrême) sont bien présentes comme leur nom l'indique, mais pas seulement. Et où le gamelan n'est pas la seule inspiration locale nourrissant la mixture du duo, même si elle se remarque d'autant plus que ce style balinais a longtemps été cité comme l'une des sources originelles de l'un des courants des musiques électroniques revenu sous le feu des projecteurs récemment, post-confinement, l'ambient. 

Gabber Modus Operandi s'insère dans une scène asiatique beaucoup plus large, que l'on retrouve en partie sur l'excellent et aventureux label de Shangaï SVBKVLT (lire ci-dessus), comme HOXXXYA, l'album de notre sujet du jour qui ne rechigne à aucune aventure : une forme de pop indonésienne des 1990's, le dangdut koplo, s'invite parfois, l'ebeg dance aussi (celle du clip de Dosa Besar, pratiqué à Banyumas dans le centre de l'île de Java) comme ailleurs des ambiances noise voire grindcore — l'Indonésie est une place forte du metal —, contribuant à alourdir l'atmosphère.

Pur produit de son époque pouvant se nourrir d'influences musicales mondiales ensuite perfusées au circuit court par la grâce d'Internet, de Spotify et de Bandcamp, Gabber Modus Operandi depuis son fiel de Denpasar a su saisir les plus lancinantes et percutantes afin de les transcencer en une mixture aussi épatante qu'étonnante, comme l'illustre encore Genderuwo, clippé tout aussi magistralement par Kathleen Malay (Ora Iso), une autre merveille à découvrir mercredi 8 juin au Ciel, après leur passage aux Nuits sonores de Lyon.

Bunker Fever mercredi 8 juin au Ciel de 19h à 1h, entrée 5€ avant 20h, 9€/12€ ensuite


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