Sophie Patry à la Tec, fantômes d'un instant


La photographe Sophie Patry propose dans l'espace brut et généreux de la TEC un accrochage ludique, « en apesanteur », qui laisse le visiteur lui-même dans un flottement rêveur, une délicieuse incertitude. La beauté des œuvres, leur noir et blanc intense, leurs doux dégradés et leurs sujets fuyants caressent le regard, l'envoûtent et le tétanisent dans un même mouvement. Fusain, gravure, crayon, de multiples techniques semblent avoir été convoquées pour obtenir ce grain vaporeux ; pourtant l'artiste use d'une seule arme : son appareil photo. Autoportraits et paysages éclosent de la même manière, par la magie des pauses longues. Savamment dosées, ce sont elles qui créent le mouvement, balaient les ombres, étirent les branches d'un arbre dansant furieusement, enveloppent une colline d'un manteau crémeux, donnent à un simple chapiteau le romantisme d'un saule pleureur... Et qui, surtout, désincarnent les silhouettes des humains surgissant çà et là. Qu'importe si elles s'envolent ou se dissolvent, leur présence fantomatique nappe d'irréel les paysages qu'elles habitent, créant des visions abstraites aussi séduisantes que monstrueuses. La série d'autoportraits s'offre d'ailleurs comme la version incarnée de cette ambivalence : le beau naît d'un regard franc et sans états d'âme sur son sujet.

Par Laëtitia Giry

Un rêve d'apesanteur, Sophie Patry jusqu'au 26 juin à la Théorie des Espaces Courbes (Voiron)


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