Le cubisme communautaire de Moly Sabata

Avec "Vivre le cubisme à Moly Sabata", Sylvie Vincent, la nouvelle directrice du musée de l'Ancien Évêché, ouvre sa programmation en beauté. Une plongée passionnante au cœur de la vie de cette communauté artistique fondée en 1927 à l'initiative du peintre Albert Gleizes.


Ce projet d'exposition sur l'expérience communautaire de Moly Sabata, Sylvie Vincent le nourrissait depuis de nombreuses années : « J'ai découvert le site de Moly Sabata en 2003 alors que je participais à l'inventaire du patrimoine du département de l'Isère. Je suis immédiatement tombée sous le charme, et quand j'ai appris l'histoire de cette communauté d'artistes j'ai été très surprise qu'aucun ouvrage ni aucune exposition n'y ait été consacrée. » Cette histoire, c'est celle de cette communauté fondée en 1927 par l'une des figures du cubisme à la française, Albert Gleizes, et sa femme, Juliette Roche. Eux aussi tombés sous le charme de cette propriété située au bord du Rhône, ils décident d'y établir une communauté d'artistes fidèles à l'enseignement du peintre. Persuadé que la ville moderne est néfaste à la créativité, Gleizes prône un retour à la terre et invite ses disciples à viser l'autosuffisance tandis qu'il supervise tout cela depuis le confort bourgeois de la maison familiale de sa femme située à Serrières, sur la rive opposée du Rhône. Mais avant de nous plonger dans la vie sociale et artistique de cette communauté, le parcours d'exposition nous invite à découvrir une mini rétrospective Gleizes. Une dizaine de tableaux témoignent de l'évolution rapide de son travail dans les premières décennies du XXe siècle, de ses débuts impressionnistes à de superbes explorations cubistes nourries par une réflexion sur la translation et la rotation des plans.

« Peindre c'est animer une surface plane »

Si pour Albert Gleizes « peindre c'est animer une surface plane », il est amusant de constater que finalement ce projet de communauté consiste à animer un espace de vie ; à lui donner du rythme. Pour nous faire découvrir comment Albert Gleizes s'y prend, l'exposition se concentre sur deux figures singulières : Robert Pouyaud, élève du peintre, fondateur de la communauté, et l'étonnante Anne Dangar, fidèle à Moly Sabata jusqu'à sa mort en 1961. On découvre son magnifique travail de céramiste dont les motifs décoratifs s'autorisent parfois à s'émanciper de l'univers formel de Gleizes, des projets collaboratifs ainsi que les témoignages très touchants des habitants du coin qui ont bénéficié étant enfants, des ateliers qu'elle menait avec énergie. Certaines archives (correspondances, invitations aux traditionnelles fêtes, photographies...) permettent également de mieux appréhender les particularités de cette communauté dont le fonctionnement est régi par les très genrées « règles de Moly Sabata » (aux femmes les tâches domestiques souvent ingrates et aux hommes les travaux agricoles… auxquels on constate étrangement que finalement beaucoup de femmes participent… double peine…). Bref de quoi inspirer tous ceux qui envisagent de se lancer dans un projet d'habitat partagé et une manière intéressante d'envisager de faire résonner l'exposition avec les enjeux contemporains de retour à la terre, d'autosuffisance et de vie collaborative.

Vivre le cubisme à Moly-Sabata au musée de l'Ancien Évêché jusqu'au 9 octobre, entrée libre

 


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