Attention, fragile (et tant mieux)

Chaque début juillet aux Adrets-en-Belledonne (Isère) est organisé l'Arpenteur, l'un des festivals estivaux les plus passionnants de la région. Au cœur d'une programmation une nouvelle fois riche et variée, on découvrira un spectacle de cirque surprenant : "Instable" de Nicolas Fraiseau.


Un homme, seul, sur un plateau bringuebalant qui ne semble pas être le lieu idéal pour proposer du cirque. Lui, Nicolas Fraiseau, formé entre autres au prestigieux Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, n'en a cure. C'est qu'il a décidé de nous proposer coûte que coûte un numéro de mât chinois, du nom de cet immense poteau stable sur lequel évoluent les acrobates. Enfin, stable, ce n'est pas, là aussi, tout à fait le cas.

Flash-back. C'est l'histoire d'un apprenti circassien qui se voit offrir par un ami de ses parents un mât chinois bricolé de manière atypique, ce qui le rend plus léger, moins stable. « Comme il n'est pas dans les normes, ce mât m'a offert sans le vouloir plein de possibilités », nous raconte Nicolas Fraiseau par téléphone lorsqu'on l'interroge sur la genèse de son solo joliment baptisé Instable. Il s'amuse alors avec ce mât, et finit par concevoir une petite forme sur l'échec – « vingt-cinq minutes d'accidents sur accidents pour arriver à monter le mât » – qu'il présente à Châlons lors de la fin de ses études.

« J'aime l'humain fragile »

La magie opère de suite, la forme courte tapant notamment dans l'œil du metteur en scène Christophe Huysman qui propose au jeune homme de l'augmenter afin d'en faire un véritable spectacle. Après réflexion, Nicolas Fraiseau est partant. Mais alors que lui voulait « montrer tout ce qu'il savait faire », Christophe Huysman l'a, selon les dires de l'acrobate, « mis en difficulté, en inconfort », avec un travail important « d'affinage, de resserrage ». Instable n'est ainsi pas une démonstration de force, une exhibition de savoir-faire, mais une réflexion subtile sur la fragilité.

« J'aime l'humain fragile, l'humain qui montre son intimité, qui ne réussit pas. Même si le cirque est plutôt dans l'exploit, je trouve ça magnifique que tout rate, se déconstruise, pour se cristalliser ensuite à un moment et montrer les espoirs d'une personne », conclut Nicolas Fraiseau en parlant de ce spectacle tout sauf sombre créé en 2018. Depuis, il le tourne toujours, avec succès (« on n'est pas loin des 100 dates »), que ce soit en France ou à l'international – il revenait du Togo et du Bénin au moment de notre interview. « C'est magnifique comme aventure, surtout pour un premier projet de sortie d'école. »

Instable, à l'Arpenteur samedi 2 juillet


L'Arpenteur : demandez le programme !

Huit jours pour se confronter au spectacle vivant d'aujourd'hui, c'est la mission que se donne chaque année l'Arpenteur, avec un sous-titre plein de promesses : « théâtre pentu et parole avalancheuse ». Là-haut dans la montagne, cadre on ne peut plus magnifique, le directeur artistique Antoine Choplin et son équipe apportent des propositions haut de gamme, de celles que l'on retrouve habituellement dans les théâtres des grands centres urbains.

Citons notamment, à côté des formes atypiques de type conf'itinérante, promenade littéraire et autre banquet pentu, Babel de Jordi Galí, performance collective dans laquelle celui qui fut danseur monte devant nous (et avec certains volontaires) une immense architecture éphémère « écho du groupe au sol, présences reliées, concentrées et connectées qui œuvrent ensemble » (extrait de la note d'intention) ; ou encore la journée, entre exposition, film et concert, autour de trois artistes afghanes.

À noter également que le scientifique grenoblois star Aurélien Barrau sera de la partie pour une conférence musicale appelée Mirages et miracles de l'instable ; conférence pensée avec deux musiciens. « Dans cette intervention scientifique, musicale et littéraire, l'instabilité du monde sera évoquée à travers la poésie, la politique et l'astrophysique », nous annonce le programme. Tout un programme justement !

L'Arpenteur, aux Adrets-en-Belledonne (Isère) du 2 au 9 juillet


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