Pauline Bureau met en scène l'épopée vraie de la toute première équipe de foot féminine de France, née à Reims en 1968, alors que la pratique du ballon rond était réservée aux hommes. Une aventure humaine drôle et poignante, façon "The Full Monty".
À La Rampe d'Échirolles, on voit surtout de la danse. Mais de-ci de-la, dans la saison, l'équipe se permet de programmer une pièce de théâtre. Et c'est une formidable proposition, en l'occurrence, qu'elle nous invite à découvrir le 18 octobre : Féminines, la dernière création de la jeune metteuse en scène Pauline Bureau, couronnée d'un Molière en 2022. Pour résumer, durant les deux heures et quelques du spectacle, on a gardé un sourire accroché aux lèvres, on a franchement éclaté de rire, les larmes nous sont montées aux yeux.
Pauline Bureau raconte l'histoire de la première équipe de football féminine de France, créée au départ comme une blague, ou presque. En 1968, deux journalistes de L'Union de Reims imaginent faire jouer des filles au football, comme une attraction cocasse pour attirer le public à la kermesse du journal. Une petite annonce, et des candidates hétéroclites, ouvrière, femme au foyer, adolescente rebelle… Sur scène, elles sont six, de tous âges, toutes morphologies, toutes couleurs, à se présenter au vestiaire.
Et comme dans la réalité, la chimie prend. Le foot devient leur bulle d'air, pour s'échapper des douleurs du travail à la chaîne, des difficultés voire des violences conjugales, d'un père phallocrate, du quotidien étriqué encore imposé à la gent féminine. Elles s'accrochent au terrain, s'entraînent sans relâche, partagent victoires et défaites. Font bloc face aux quolibets : des filles qui jouent au foot, et puis quoi encore ? Elles deviennent bonnes. Elles gagnent face aux Allemandes, le jour de la kermesse. Elles continuent, toujours sous la férule du journaliste qui se prend au jeu, empathique et enthousiaste. Devenu coach, il les fait voyager autour du monde pour des matchs d'exhibition. Elles s'extirpent de leur condition de femmes, durant 90 minutes, et un peu plus…
Pauline Bureau continue, avec Féminines, ce théâtre du réel qu'elle avait déjà mis en œuvre dans Mon Cœur, sur le scandale du Médiator, et Hors la loi, sur le procès de Bobigny (le jugement, en 1972, d'une mineure qui avait avorté à la suite d'un viol, défendue par Gisèle Halimi). Elle s'est rendue à Reims, a rencontré les vraies footballeuses (aujourd'hui mamies), dont elle souligne la discrétion sur leurs vies personnelles. Et derrière l'aventure des joueuses, Pauline Bureau fait passer par petites touches le message. Il y a cinquante petites années, le football féminin était proscrit, ridicule, et les autorités annonçaient des problèmes reproductifs pour celles qui braveraient l'interdit. Sur ce point, au moins, on peut dire que les choses ont sacrément évolué.
Féminines le 18 octobre à 20h à La Rampe (Échirolles), de 10€ à 31€