L'Isère fait son cinéma

Rarement considéré à sa juste valeur, au mieux remercié au générique, un décor est parfois aussi signifiant qu'un personnage, voire nécessaire à la crédibilité d'une intrigue. Une série s'intéresse à l'ancrage de films emblématiques en Isère ; ses trois premiers épisodes sont présentés en avant-première. 


Bien avant que la décentralisation et les fonds de dotation régionaux n'incitent leurs producteurs à le faire, des cinéastes avaient compris le bénéfice (artistique) qu'ils pouvaient tirer d'un tournage  en "province"– ou, comme on dit aujourd'hui, "dans les territoires". Récemment encore, Dominik Moll rappelait à quel point la morphologie de la cuvette grenobloise lui a servi pour construire (métaphoriquement) l'ambiance oppressante ainsi que l'impression d'insolubilité de l'enquête dans La Nuit du 12. Avec sa diversité de reliefs et de paysages en zones purement rurales ou franchement urbaines, l'Isère a ainsi fourni ses décors à moult films. Marc Zeni et Federico Campanale ont plongé dans ce corpus afin de montrer à quel point une œuvre pouvait interagir avec son enveloppe géographique. 

Ici et là

À l'aide d'archives, mais aussi en (re)tournant sur les lieux, en donnant la parole à des témoins des prises de vues, des historiens ou des spécialistes, Marc Zeni et Federico Campanale ont ainsi passé au tamis du décor Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion, Les Rivières pourpres de Mathieu Kassovitz et La Femme d'à côté de François Truffaut. Chaque focus-documentaire, d'une durée de 15 minutes, recèle sa part d'anecdotes insolites et a pour grand mérite d'inciter à re-visionner le long métrage. Les choses étant bien faites : trois soirées permettent de découvrir en avant-premières et (gratuitement) les trois épisodes, chacune dans un lieu différent – en écho à chacun des films concernés : samedi 17 septembre dès 16h30 au Cairn de Lans-en-Vercors pour Une hirondelle a fait le printemps, dimanche 18 dès 16h30 aux Écrins de Bourg-d'Oisans pour Les Rivières pourpres et vendredi 16 dès 19h30 pour La Femme d'à côté aux jardins du musée Hébert à La Tronche. Faux film mineur intercalé dans la filmographie de Truffaut entre Le Dernier métro et Vivement dimanche !, cette histoire d'amour tragique portée à son plus haut degré d'incandescence acquiert avec le temps la dimension des plus grands mélos : est-ce lié à son final d'une noirceur d'ébène, au choix de confier sa narration à un personnage périphérique, à la partition de Delerue, à son générique de téléfilm, à l'immarcescible évidence du couple Ardant-Depardieu, au décor de Bernin ? Faites-vous votre idée en le (re)voyant.


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