Clément Pelissier : « J'avais surtout observé le Japon par le prisme des mangas et des jeux vidéo »

Auteur-conférencier, Docteur en littérature spécialisé dans les cultures de l'imaginaire, créateur de l'émission de pop culture "Pop en Stock France" sur Radio Campus Grenoble, Clément Pelissier sera l'invité du Japan Alpes Festival 2022, les 17 et 18 septembre. Discussion autour de l'univers manga et d'un certain Death Note cultissime.


La première fournée de mangas japonais à avoir débarqué en France est arrivée par le biais de Jacques Glénat, fondateur de Glénat Éditions. Grenoble a en quelque sorte été la porte d'entrée des mangas dans le pays. Aujourd'hui, une bande dessinée vendue sur deux est un manga. Des ventes qui ont plus que doublé en France en trois ans. De quel œil voyez-vous ce phénomène en France ?

Pour moi c'est une excellente chose, parce que le manga permet de découvrir énormément de terrains de l'imaginaire, d'histoires et univers différents. Et je pense que chacun peut trouver ce qui lui correspond là-dedans. 

Quelle a été votre porte d'entrée à vous dans l'univers manga ?

Je dirais que je suis un enfant de la fin de DBZ (Dragon Ball Z) et du Club Dorothée. Ce sont surtout mes grands frères qui les ont connus, mais en gros, je suis entré là-dedans par les animés de DBZ notamment. Puis, quand j'ai commencé à m'intéresser aux mangas, c'était Naruto qui débarquait en France. J'ai donc commencé par plonger tête première dans un shōnen (type de manga destiné à un lectorat de sexe masculin et adolescent) tel que Naruto, avant que ne sorte Death Note directement après. Autant dire que Death Note c'était une tout autre ambiance, qui m'a également transportée dans cet univers-là.

C'est d'ailleurs, ce même Death Note à partir duquel vous avez publié à l'été 2022 Entre les lignes du Death Note : Écrire un nouveau monde (Third Editions), et qui vous vaut une invitation au Japan Alpes Festival 2022. Avant ce livre, vous vous intéressiez à Kaamelott. Comment expliquez-vous ce grand écart ?

Je suis très éclectique et j'ai besoin d'aller voir d'autres théâtres car je m'ennuie très vite. Il se trouve que lorsque j'aime une œuvre, généralement, ce n'est pas à moitié. Death Note fait partie de ma vie, au même titre que Kaamelott à une autre époque.

Revenons au manga cultissime de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata, Death Note, qui occupe la 10e place au classement des meilleurs mangas de l'histoire dans un sondage mené en 2007 par le Ministère de la Culture du Japon. Est-ce que c'est un shōnen comme les autres ? 

Pour rappel, le shōnen désigne à gros traits un manga d'aventure, où le héros et son groupe d'amis vont accomplir une grande quête avec des épreuves d'un genre initiatique. C'est une ligne éditoriale et un type de manga très codifié au Japon. Death Note respecte effectivement un ensemble de code propre au shōnen. On a un héros, Light Yagami, qui va accomplir une grande quête et se mettre en tête de changer le monde avec un carnet magique. Carnet qui lui donne le pouvoir de tuer toute personne dont le nom est écrit dedans. Son rival, c'est Ryûzaki, le détective qui va le traquer et en installant un intense combat psychologique. Comme l'ambiance peut déjà l'indiquer, on est plutôt dans un seinen, un manga qui se caractérise fortement par son atmosphère horrifique. Mais ça n'empêche pas que Death Note ait été publié à la base dans un magazine de shōnen au Japon, bien qu'il en casse justement les codes.

Autre tour de force de Death Note ?

Ce qui dénote d'une très grande force, aussi, c'est qu'il parle du Japon. Il parle de la société japonaise du début des années 2000. C'est une société frappée par la crise économique très grave qui dure depuis les années 90 notamment. En fait, Light Yagami est un produit de sa culture et de son pays. C'est un jeune homme très optimiste, employant des méthodes certes contestables parce qu'il assassine des gens, mais il a vraiment la volonté de changer le monde. Ce désir de changer de monde, désir de renouveau, c'est quelque chose qui imprègne fortement la culture japonaise et par quoi le héros a été bercé.

Ce travail sur ce manga vous a-t-il rapproché de la culture japonaise ?

J'avais surtout observé le Japon par le prisme des mangas et des jeux vidéo, ce qui est une porte d'entrée comme une autre, mais qui ne suffit pas cependant à connaître sa culture, évidemment. Ne soyons pas bêtes. C'était une porte d'entrée dans une partie du folklore et de la fiction. Après, j'ai eu un intérêt intellectuel à découvrir l'Asie et le Japon autrement que par la pop culture. Par la spiritualité qui est extrêmement riche et différente de la nôtre. C'est ce qui fait tout son intérêt, justement. J'avais une base de pop culture, mais au niveau strictement culturel, j'ai dû beaucoup me documenter, discuter avec beaucoup de gens et lire. Ne serait-ce que le thème des kamis, les divinités ou esprits vénérés au Japon. On pourrait en faire des thèses entières, c'est d'une richesse absolument incroyable. J'ai dû énormément réfléchir pour essayer au maximum de dire le chose juste si possible et qui soient intéressantes pour les lecteurs.

Après Batman, Kaamelott et Death Note, sur quel morceau de pop culture allez-vous jeter votre dévolu ?

Je n'ai pas le droit de dire sur quoi je travaille avec ma maison d'édition... Par contre, je peux vous dire que je travaille beaucoup avec le K fée des jeux, avec qui j'organise ce qu'on appelle des Lundis imaginaires, des micro conférences sur un sujet de pop culture. En septembre, ça va être chaud avec Rambo !

Japan Alpes Festival, 17 et 18 septembre à EVE, Saint-Martin d'Hères ; conférence "Entre les lignes du Death Note" dimanche à 16h50, 8€ pass un jour, 12€ les deux, gratuit pour les -12 ans

 


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