Marche en terrain miné

Ni les ours, ni les mines, ni l'absence de sentier n'ont découragé le Grenoblois Jérémy Bigé à partir marcher seul dans les Balkans pendant six semaines. Le film de son aventure sera projeté aux Rencontres Ciné Montagne. Nous l'avons interrogé pour savoir ce qui le motive dans ses randonnées engagées au long court.


Vous êtes parti marcher six semaines dans les Balkans, presque sur un coup de tête. Pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances et pourquoi vous décidez de partir là-bas ?

En mars 2021, j'ai terminé mon stage de fin d'études d'ingénieur et je me suis posé des questions sur ce que je voulais faire de ma vie. D'un côté j'ai l'ingénierie, de l'autre le monitorat de ski et je me rends de plus en plus compte que je me sens bien dehors. J'ai retardé ces choix en me lançant dans un nouveau projet que j'ai décidé à peine trois semaines à l'avance. Je suis parti en bus dans les Balkans, motivé par la curiosité et un besoin de dépasser les préjugés liés à ces pays qui ont une histoire récente forte. 

Avec un sac à dos de moins de 4 kg… Pourquoi ce dépouillement ?

J'ai marché trois mois au Népal avec un sac de 15 kg et j'ai vu les freins que ça engendrait. J'ai testé ensuite la marche ultra légère dans les Pyrénées, avec un sac de 4, 5 kg, et ça s'est très bien passé. C'est plus confortable, tu es plus agile, tu peux faire plus de dénivelé et de kilomètres à fatigue équivalente. Mais par-dessus tout, ce que j'apprécie, c'est que tu dépends de très peu de choses, c'est super grisant. J'ai le sentiment de beaucoup moins déléguer ma vie aux objets, d'être plus attentif à ce qui m'arrive et d'être plus actif. Tout n'est pas acquis, ça garde l'esprit en éveil. 

Partir seul, c'est un choix ?

Oui et non. Personne ne pouvait venir avec moi sur un temps si long. Mais partir seul présente de nombreux avantages selon moi. Il y a un moment où tu t'intègres plus facilement à la nature. Cela t'oblige aussi à aller voir les autres si tu as besoin d'aide ou de conseils. À l'inverse, les locaux sont plus curieux, ils viennent beaucoup plus facilement vers toi. Cela facilite les interactions. Et quand tu es seul et qu'il y a des choix à faire, tu es obligé de te remettre en question. C'est hyper instructif.

Qu'est-ce qui a été le plus difficile ?

Le terrain et l'orientation. Le terrain car sur environ 30% du parcours tu es hors sentier, il n'y a rien et c'est très chaotique. Tu as toujours les pieds tordus dans tous les sens. C'est usant physiquement et mentalement. J'ai eu de grosses douleurs et une corne qui s'est formée et qui a disparu six mois après la fin de la randonnée ! L'orientation est aussi compliquée, c'est impossible sans trace GPX et GPS. Même avec une trace GPX, il faut sans arrêt être concentré pour garder le cap quand il n'y a pas de sentiers.

Vous n'avez pas eu peur des ours et des zones minées ?

Si ! Une fois, je pensais évoluer en terrain piégé. J'avais perdu la trace du sentier et j'imaginais me trouver dans une zone avec des mines. Je marchais le plus possible sur les pierres en pensant les éviter. Après j'ai traversé de vraies zones minées et j'ai vu qu'elles étaient bien balisées avec des panneaux à tête de mort. Sinon en forêt il y a la peur de l'ours. On sait qu'il ne faut pas le surprendre alors on marche en faisant du bruit, en chantant ou en tapant sur les bâtons. J'ai pu observer un ours de loin, pendant 10 minutes, sans le surprendre. C'était un instant très fort.

Les habitants ont l'air de vous avoir réservé un accueil chaleureux...

Oui, je partais seul pour la première fois dans un pays étranger. Ça a provoqué beaucoup de rencontres. Les gens sont venus vers moi spontanément, ils m'invitaient à manger, à boire le rakia, l'alcool des Balkans, à toute heure de la journée. 

Quel enseignement tirez-vous de cette longue marche ?

Il faut éviter de vouloir tout contrôler pour laisser place à l'imprévu, à la rencontre, à tes envies qui émergent pendant la marche. Et qu'il faut garder en tête que tout voyage a un retour, sinon tu tombes trop de haut. 

Rencontres Ciné montagne du 8 au 12 novembre au Palais des Sports. Le film Sur le fil des Balkans est projeté le jeudi 10 novembre


Le périple de Jérémy

Depuis la Croatie jusqu'à l'Albanie à travers la Bosnie, le Monténégro, le Kosovo et la Macédoine du Nord (Alpes dinariques). 39 jours de marche / 1 300 km / 59 000 m D+


Carte d'identité

26 ans. Habitant de la métropole grenobloise, ingénieur.

Première aventure en 2018 : traversée intégrale de l'Himalaya népalais avec 4 amis. En 2020, traversée des Pyrénées en solo avec un sac de 4 kg.


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