Retour vers la nature

Avec "De la nature", le musée de Grenoble se met au diapason "capitale verte" et réunit quatre artistes habitués des lieux : Philippe Cognée, Cristina Iglesias, Wolfgang Laib et Giuseppe Penone. Quatre univers artistiques forts qui dialoguent chacun à leur manière avec Dame Nature.


Les expositions monographiques ont généralement pour but de faire découvrir l'univers d'un artiste et d'en explorer les multiples facettes ; les expositions collectives, au contraire, font dialoguer les œuvres entre elles, quitte à mettre en retrait les intentions initiales de leurs créateurs. À mi-chemin entre ces deux approches, l'exposition De la nature réunit quatre artistes d'envergure et en confronte les sensibilités. Philippe Cognée, Cristina Iglesias, Wolfgang Laib et Giuseppe Penone ont en effet, chacun dans ce parcours, un espace qui leur est intégralement dédié. Le spectateur peut donc s'immerger pleinement dans ces différents univers esthétiques tout en gardant en perspective ce qui les lie.

Cognée ouvre la marche et nous accueille avec une série d'immenses toiles représentant des fleurs à la limite de la fanaison, cadrées en très gros plan. Le peintre pratique une tambouille bien particulière à base de cire qu'il fait fondre et produit de cette manière des effets étonnants : le geste pictural semble se dissoudre dans les volutes troubles d'une matière déliquescente, ce qui amplifie la fragilité de ces pétales flétris. Après un détour dans les bois avec une série de puissants paysages forestiers face auxquels notre regard vient se heurter, c'est à la mer que nous emmène Philippe Cognée, avec une série de châteaux de sable traités selon la technique évoquée plus haut. Vouées à disparaître avec la marée montante, ces constructions éphémères semblent également se dissoudre à l'approche de notre regard, qui lui-même se noie dans la matière picturale.

L'expo enchaîne avec Cristina Iglesias, qui nous invite à explorer une sorte d'étroite grotte labyrinthique creusée dans un imposant monolithe. Un à un, les visiteurs découvrent alors un environnement aussi humide qu'onirique où fusionnent le minéral et le végétal, tandis que tout autour, sur les murs, des sérigraphies sur cuivre retravaillées à l'acide suggèrent l'environnement propre aux cavernes.

Pollen et chlorophylle

Si Iglesias déploie des moyens considérables pour créer un environnement illusionniste, c'est tout l'inverse chez Wolfgang Laib. Fortement influencé par les cultures indiennes, l'artiste prône depuis les années 70 une forme de minimalisme ascétique et a fait le choix de ne présenter, ici, que trois œuvres, qui semblent exacerber mutuellement leur potentiel énergétique. Des ondulations méditatives réalisées au pastel blanc s'opposent au noir abrasif d'un œuf cosmique en granit, dont la masse considérable contraste avec la légèreté que l'on imagine d'un immense carré jaune luminescent, constitué de grains de pollen patiemment récoltés par l'artiste, dans une approche quasi méditative.

Enfin, c'est avec une grande figure de l'arte povera que se conclut l'exposition : Giuseppe Penone, qui depuis les années 70, interroge la possible interaction avec le vivant dans un monde dont la culture dominante tend à nous en éloigner toujours plus. La notion d'empreinte, de trace, traverse toute son œuvre. Elle se retrouve ici dans l'installation centrale, faite de végétaux anthropomorphiques, mais surtout dans les immenses toiles sur lesquelles sont représentées des forêts réalisées à partir des éléments qui la constituent : feuilles, écorces, sève, chlorophylle. En pratiquant l'estampage, le prélèvement de traces, il se reconnecte avec la nature et nous avec. À la sortie de ce beau parcours, on se dit que l'art est effectivement, parfois, un beau moyen de nous aider à renouer avec la nature, surtout lorsque, comme ici, il ne parle pas tant de la nature elle-même que du rapport que l'on peut entretenir avec elle.

De la nature  jusqu'au 19 mars 2023 au musée de Grenoble

 


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