L'exil pour de vrai

Événement national, Migrant'Scène se décline depuis 2011 à Grenoble avec l'objectif de déconstruire les a priori dont souffrent les personnes en situation d'exil au quotidien. Un sacerdoce pour les organisateurs, tous bénévoles, qui ne manquent pas de détermination.


« Rien ne change et ça ne va pas en s'améliorant, que ce soit dans le discours politique ou médiatique. » Karine Vivant, coordinatrice du festival Migrant'Scène Grenoble, dresse un constat sans appel sur la situation des exilés en France, qui souffrent toujours d'une image dégradée par des a priori fondés sur la peur. En témoigne l'instrumentalisation récente, par les Zemmour et affidés, du meurtre de la petite Lola. « On rapporte des faits isolés pour en faire des étendards… Alors parfois je suis un peu écœurée, mais jamais découragée pour autant. »

Organisé par la Cimade, association nationale qui aide les migrants dans leurs différentes démarches administratives, le festival Migrant'Scène a précisément pour objectif de déconstruire les préjugés auprès du public, en convoquant l'art et la culture. Du théâtre, de la musique, des conférences, lectures et expositions pour remettre la vérité à l'endroit. « Le plus difficile reste de convaincre ceux qui ne le sont pas déjà. On essaie de nouer des partenariats pour toucher de nouvelles personnes. Cette année, on collabore avec le festival Dolce Cinema ou l'Hexagone de Meylan en incluant dans notre programmation des propositions qui ne sont pas directement liées à nos thématiques », explique Karine Vivant. Un travail de fond qui passe aussi par des événements de rue : en centre-ville le 12 novembre avec batucada et fanfare ou sur le marché de l'Estacade le 20 afin d'interpeller les badauds sur les actions de la Cimade.

Délit de solidarité

Comme à son habitude, le festival Migrant'Scène aborde dans cette nouvelle édition de nombreux aspects de l'exil : la vie en centre de rétention administratif avec des lectures de témoignages lors de la soirée d'ouverture ; le délit de solidarité évoqué en profondeur par la conférence Violence aux frontières alpines et la soirée de projections Entre mer & montagne en présence de SOS Méditerranée et Amnesty International ; le parcours douloureux des migrants dans Vie exilées, vies cabossées, un spectacle écrit et interprété par les personnes concernées… Le documentaire Nadia d'Anissa Bonnefont, qui raconte l'itinéraire d'une jeune Afghane exilée à 11 ans avec sa mère en 2001, est l'occasion, pour Karine Vivant, de rappeler que « les femmes représentent 53% des migrants arrivant sur le territoire français. Ces chiffres sont stables depuis plusieurs dizaines d'années. Pourtant elles sont invisibles. On véhicule beaucoup l'image de "celles qui restent", épouses et sœurs restées au village dans l'attente de lettres ou de mandats d'argent de l'homme parti chercher l'Eldorado… » Un cliché qui s'ajoute aux clichés – toujours plus difficiles à détricoter.

Migrant'Scène du 12 novembre au 4 décembre à Grenoble, La Buisse, Voiron et Meylan, www.migrantscene.org


Biennale Traces, même combat

Sous-titrée "Histoire, mémoires & actualité des migrations en Auvergne-Rhône-Alpes", l'association Traces organise depuis plus de 20 ans une biennale qui partage en moult points les thématiques de Migrant'Scène, si bien que les deux festivals font parfois dates communes. Jusqu'au 8 décembre, plusieurs événements sont programmés en Isère dont une exposition sur l'Ukraine à l'École supérieure d'art et de design de Grenoble, une rencontre avec l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, à la librairie Le Square et Ne me parlez pas de migration au Grand Séchoir, un objet artistique hybride, « ni une conférence, ni un concert, ni une pièce de théâtre… mais les trois à la fois »…

Plus d'infos sur traces-migrations.org


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Zuo Hong Ning, Pollock sous enveloppe