Les PUG, 50 ans que ça dure

Capitalisant en partie sur le grand succès d'un de leurs ouvrages, "Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens", les Presses universitaires de Grenoble viennent de célébrer leur demi-siècle d'existence. Une maison d'édition indépendante qui ne cesse de se réinventer pour durer.


Dissimulés derrière d'imposants bâtiments, au sein de la zone industrielle des Vouillants à Fontaine, les locaux des Presses universitaires de Grenoble (PUG) se distinguent par leurs modestes dimensions. Quelques bureaux, un espace de stockage, une cuisine, la visite est rapidement bouclée. On y est accueillis avec enthousiasme par Ségolène Marbach et Sylvie Bigot, respectivement directrices éditoriale et commerciale d'une maison d'édition, pas tout à fait comme les autres, qui célébrait ses 50 ans d'existence en 2022.

Dès leur fondation en 1972 par quelques universitaires souhaitant publier leurs travaux et combler un vide au niveau local, les PUG sont non seulement les premières presses universitaires de province créées en France mais elles le sont aussi sous forme de coopérative appartenant à ses auteurs, en toute indépendance vis-à-vis de l'université de Grenoble. « Cela nous a permis d'adopter une politique éditoriale originale et de développer un catalogue qui s'est rapidement ouvert au grand public », estime Ségolène Marbach.

Crise financière

Spécialisées dans les sciences humaines et sociales et les ouvrages de français langue étrangère (FLE), les PUG s'aventurent en effet sur d'autres terrains, publiant des nouvelles de l'écrivain suisse C.F. Ramuz en 1981 ou, plus étonnant encore, les œuvres complètes en huit tomes de l'Abbé Prévost – entreprise fort ambitieuse qui faillit entraîner le naufrage de la maison d'édition dans les années 1980. Durant cette décennie, les PUG font face à une crise financière intense doublée d'une crise de direction. Dans 1972-2022 - L'Aventure des PUG, Olivier Gadet, président du directoire de 1980 à 1983 témoigne : « Je n'avais aucun titre, je n'y connaissais rien – sinon un goût immodéré pour la lecture – [avec Pierre Croce et Christian Auguste] on était tous les trois de vrais pieds nickelés, totalement inconscients. »

Un best-seller à 500 000 exemplaires

Par la suite, les PUG ont su se professionnaliser et devenir un éditeur solide, tout en conservant leurs spécificités. Mais elles doivent avant tout leur longévité à un seul livre, qui représente aujourd'hui encore 20% du chiffre d'affaires : Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens de Robert Vincent-Joule et Jean-Léon Beauvois. Depuis sa parution en 1987, cet ouvrage de psychologie sociale s'est écoulé à plus de 500 000 exemplaires, le best-seller absolu des PUG. « C'est un livre de chercheur, très sourcé, qui expose des théories. Mais elles sont mises en pratique au travers d'un personnage qui se retrouve confronté à des situations dans la vie réelle », explique Ségolène Marbach. Adapté au théâtre en 2007, ce livre fera également l'objet d'une bande dessinée à paraître aux éditions Dargaud en 2024.

Vers le grand public

Une belle réussite, mais la conjoncture reste complexe pour la petite maison d'édition grenobloise. « On est tout le temps sur le fil. La littérature universitaire est en grand déclin, notre catalogue de fond n'a pas le vent en poupe. » En 2018, afin de gagner en crédibilité auprès des financeurs, la coopérative se mue en Société coopérative d'intérêt collectif (Scic), ouvrant symboliquement le capital à des personnes morales comme l'Université Grenoble Alpes ou Grenoble École de Management, « ce qui n'entrave en rien notre indépendance ». Ces dernières années, les PUG se tournent de plus en plus vers le grand public avec des ouvrages sur le patrimoine local, des calendriers « ludiques et culturels » ou encore des textes courts, gratuits, 100% numériques, visant à rendre les travaux de recherche universitaire accessibles à tous. L'aventure continue.


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