Derf Backderf, la BD du réel

De passage ce mercredi 1er février à la librairie Momie, l'Américain Derf Backderf est l'auteur de romans graphiques hyper-documentés, qui auscultent au scalpel l'Amérique des années 70.


On insiste souvent sur les liens très forts qui unissent les écrivains aux lieux dans lesquels ils ont grandi. Dans le cas de Derf Backderf, l'adage est parfaitement justifié : qu'elles abordent l'arrivée du punk et de la new wave dans une petite ville industrielle désolée (Punk rock & mobile homes), la jeunesse d'un camarade de classe qui deviendra par la suite l'un des plus abominables tueurs en série américains (Mon ami Dahmer), le quotidien harassant du métier d'éboueur dans les années 70 (Trashed) ou la répression sanglante d'un rassemblement d'étudiants opposés à la guerre du Vietnam (Kent State, quatre morts dans l'Ohio), ses bandes dessinées se situent toutes dans son Ohio natal, à l'époque où il a grandi. Mais ce n'est pour autant pas le seul lien qui les unit.

Tous fruits d'un énorme travail d'investigation (un vestige de ses études de journalisme, un métier qu'il exerça pendant plusieurs années avant de devenir dessinateur de presse, puis auteur de romans graphiques), ses ouvrages plongent en effet à cœur perdu dans le zeitgeist des années 70, dont ils livrent une vision à la fois extrêmement précise et passablement désenchantée. C'est particulièrement sensible dans ce qui constitue sans doute ses deux œuvres majeures : dans Mon ami Dahmer comme dans Kent State, quatre morts dans l'Ohio, on assiste, impuissant, à l'accumulation d'une pléiade de petits événements isolés qui, mis bout à bout, finissent par donner lieu à des tragédies d'autant plus atroces qu'elles semblent, avec le recul, parfaitement évitables. Plus qu'un infortuné "coup du sort", c'est ainsi avant tout la faillite des institutions américaines que met en lumière Derf Backderf dans ses romans, un constat rendu plus implacable encore par la rigueur et la neutralité dont il ne se dépare jamais.

Rencontre-dédicace avec Derf Backderf mercredi 1er février de 15h à 18h à Momie Grenoble


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