Reprise d'errances


Genre parmi les plus féconds du cinéma américain des années 1960-1970 (c'est même l'une des marques de fabrique du Nouvel Hollywood), le road movie a également infusé l'imaginaire des cinéastes européens pour des œuvres dont le temps a prouvé l'écriture singulière. En témoigne le western de l'Italien Sergio Corbucci Le Grand Silence (1968), revenge movie enneigé et hypnotique, compromis bizarre entre Jeremiah Johnson et Il était une fois dans l'Ouest où s'affrontent un Trintignant impassible et un terrifiant Klaus Kinski (pléonasme). Plus proche de nous dans le temps, Paris, Texas (Palme d'or 1984) de l'Allemand Wim Wenders peut se voir comme la quintessence du road movie. Certes, il se déroule aux États-Unis et repose sur un scénario de Sam Shepard mais le regard derrière la caméra est celui d'un habitué de l'errance, culturellement transfrontalier et polyglotte, recherchant dans le mouvement, les grands espaces et la rencontre, ce que son territoire de naissance (morcelé et cadenassé après la guerre) ne pouvait lui offrir. Ajoutez la musique de Ry Cooder, les yeux de Nastassja Kinski (sans commune mesure avec son paternel), l'horizon sans limite des paysages et les couleurs saturées du début des années 1980, les étapes dans des diners à la Hopper au crépuscule et vous n'avez plus qu'une idée : tracer la route.

Le Grand Silence + Paris, Texas à l'affiche à partir du 15 mars au Méliès, de 4, 50€ à 8, 50€


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