Boxeur de conscience

À l'initiative de l'association Mix'Arts, le rappeur Médine montera sur le ring de la Belle Électrique le 6 avril prochain. Le très politisé mais non politicien rappeur havrais y défendra son huitième et dernier album "Médine France". Hâte de saluer la "Prose élite" et la carrière incontournable du Monsieur à la grosse beu-bar.


Sur son album Grand Médine, sorti en 2020, la quarantaine approchante, le rappeur du label Din Records tenait à prouver qu'il n'était pas échec et mat. En quête des meilleurs ingrédients de la scène rap actuelle, Médine y démultipliait les collaborations (plus ou moins convaincantes) avec ses cadets Hatik, Bigflo & Oli, Koba LaD ou les Marseillais Soso Maness et YL. Deux ans après ce disque d'une souplesse musicale étonnante, le rappeur revient avec une tracklist taillée sur mesure, excluant tout featuring.

Du 100% Médine sur Médine France, irrigué d'une maturité qu'il ne cache pas. Toujours boxeur de conscience, c'est une marque de fabrique, avec pas mal d'egotrip, le rappeur s'y révèle aussi nostalgique (Ratata), expressément romantique (sur Houri, titre dédié à sa femme), mais surtout enclin à l'autocritique et à la prise de recul par rapport à son parcours et aux questions d'identité, extrêmement présentes dans ses textes (Heureux comme un arabe en France, Grenier à seum). « T'façon, je sais que la radicalité n'est qu'un privilège de fin de carrière » (Saint Modeste), dixit Médine, au clair avec lui-même.

Mais là où on bondit le plus, c'est encore quand il dégaine l'un de ses storytelling à l'ancienne, figure de style dans laquelle il reste inégalable (n'en déplaise aux anciens IAM ou Lunatic). Poursuivant comme un sacerdoce sa saga Enfant du destin, le dernier album ajoute un neuvième morceau à la série de titres égrainés depuis 2004. Sou Han, David, Petit Cheval, Kunta Kinté, Daoud, Nour, Ataï, Sara et le dernier Yasser, autant de personnages semi-fictifs au destin historique dramatique, à qui le rappeur a prêté sa voix et son talent narratif. S'il n'a pas le moindre disque d'or à son actif – de quoi générer une certaine frustration –, le punchlineur s'est quelques fois montré sceptique à l'égard d'une certification qu'il assimile ironiquement au subversif anneau de Tolkien. La meilleure reconnaissance restant celle de son public debout, chantant à tue-tête une discographie aboutie et incontournable.

Médine + Uzi Freyja jeudi 6 avril à 20h à la Belle Électrique, de 24€ à 28€


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