Kontan wé Meryl !

En l'espace de deux projets irréprochables, Meryl a réussi à transcender son statut de toplineuse surdouée pour s'imposer comme l'une des rappeuses les plus talentueuses de la scène francophone.


La première chose qui frappe à l'écoute d'Ozoror, dernier EP en date de Meryl sorti à l'issue d'une longue attente, c'est l'absence totale de "fillers", ces morceaux un peu dispensables calés entre deux titres plus aboutis devenus malheureusement la norme des sorties rap français à l'ère du streaming. Partagés entre bangers incandescents, ballades lancinantes et tubes imparables, les huit morceaux réunis sur le projet s'avèrent ainsi tous maîtrisés jusqu'au moindre détail, balayant une vaste gamme d'influences à la croisée du rap, de la pop et du dancehall. Une singularité que Meryl a, paradoxalement, réussi à transformer en marque de fabrique : la qualité plutôt que la quantité, toujours, tout le temps.

Il faut dire que ce goût pour le perfectionnisme, c'est justement ce qui a permis à l'artiste française, qui a grandi dans la commune de Saint-Esprit en Martinique, de faire carrière dans la musique avant même d'être connue du grand public. À la fois rappeuse, chanteuse, auteure et compositrice, Meryl s'est ainsi d'abord imposée dans l'ombre, œuvrant en tant que toplineuse pour des artistes de premier plan comme Niska, Shay, SCH ou Soprano. Une activité méconnue, mais très recherchée dans le milieu, qui consiste à inventer en amont les différentes mélodies, gimmicks et tournures vocales qui feront le sel d'un morceau, avant de céder la place à l'interprète.

BB Compte

Sa sécurité financière ainsi assurée, Meryl a eu tout loisir de se focaliser sur le développement de sa propre carrière artistique, qui se dévoile au grand public début 2020 par le biais d'une première mixtape, Jour avant caviar. Reflet fidèle du formidable brassage d'influences qui caractérise les Antilles françaises, cette dernière impose d'emblée la touche Meryl : des hits aussi solides qu'innovants où se marient l'usage du français et du créole, un savant mélange entre égotrip et dénonciation acerbe des réalités sociales, et des inspirations caribéennes qui viennent s'infuser dans le grand réservoir de styles du rap francophone et mondial…

Une jolie carte de visite marquée par un tube en puissance (Coucou), auquel succédera l'année suivante un banger encore plus incroyable : BB Compte. Sur une instru trap fracassante, la rappeuse chante les factures à payer et les fins de mois difficiles, quand surgissent soudain à mi-chemin des tambours frénétiques, qui font brusquement bifurquer le morceau dans une ambiance carnavalesque enflammée. Le style Meryl à son apogée… auquel va malheureusement succéder un long silence. Confrontée à des problèmes de management, la rappeuse se voit contrainte de tout reconstruire et disparaît pendant deux longues années. Avant d'opérer cette année un retour flamboyant qui devrait cette fois on l'espère, l'imposer durablement sur le devant de la scène.

Meryl + Sara Hebe soirée de soutien au festival Bien l'Bourgeon dimanche 28 mai à 20h à la Belle Électrique, de 28€ à 31€


<< article précédent
Valérie Donzelli, Virginie Efira & Melvil Poupaud :  « On a écrit le film comme un piège qui se referme »