« On est autant militantes et militants qu'artistes »

Dans un coin de campagne, des femmes et des hommes tentent de vivre loin de la société capitaliste. "Yourte", de la cie Les Mille Printemps, est un spectacle drôle, engagé et vivifiant porté par des interprètes investis. Rencontre avec la metteuse en scène et autrice Gabrielle Chalmont.


Diriez-vous que Yourte est un spectacle engagé ? 

Gabrielle Chalmont : Aux Mille Printemps, on se revendique en tant que compagnie de théâtre engagé. Yourte s'inscrit dans notre trilogie de spectacles sur les groupes militants : c'est notre volet centré sur la transition écologique et la vie en décroissance. Il raconte l'histoire d'un groupe de jeunes néoruraux qui essaient tant bien que mal de vivre une existence totalement alternative au système dominant. On veut clairement faire passer le message que c'est possible, même si ce n'est pas forcément super facile. Donc oui, Yourte est un spectacle militant !

Pour faire passer ce message, vous avez choisi une forme théâtrale ludique et drôle, et non celle du pensum…

Oui, parce qu'on est autant militantes et militants qu'artistes ! On veut que notre théâtre s'adresse à toutes et tous, que personne ne se sente à la porte, tout en proposant un débat politique et sociétal. On a évidemment plein de références intellectuelles, on les a lues, mais je crois qu'on est surtout drôles (rires) ! J'écris pour des personnes avec qui je partage ma vie : ça me paraît impossible de faire quelque chose de trop intello avec la bande que j'ai.

Quel a été le point de départ de la création ?

Une phase de débat pour savoir où l'on en était dans nos vies face à cette question de la transition écologique et de la vie alternative. On en était clairement pas tous à la même phase. Certains voulaient se barrer tout de suite à la campagne, d'autres s'étaient déjà barrés, d'autres doutaient… On a ensuite imaginé ce qu'il se passerait si l'on vivait tous ensemble dans une yourte, quelles seraient les règles… Et là, on a commencé à s'engueuler ! Grâce à ces échanges, on a compris que chaque comédien pouvait, avec un personnage, représenter une de ces façons de voir les choses. Ensuite, on est allés à la rencontre de collectifs, où l'on a parlé avec de très grosses personnalités, presque théâtrales. De là a commencé l'écriture.

Une écriture qui joue ouvertement sur la caricature…

On nous le dit souvent, mais c'est vraiment ce que l'on a vu dans les écolieux, dans le monde associatif. Et, de toute façon, on est déjà tous nous-mêmes des caricatures. Je me suis installée à la campagne il y a trois ans, je traîne avec plein de personnes qui vivent en yourte : franchement je les adore, mais je ne trouve pas notre spectacle si éloigné de ce qu'ils sont !

Votre spectacle est ironique sur les citadins qui découvrent la campagne, mais aussi sur ces militants…

Bien sûr ! Parce que dans le monde militant et associatif que l'on connaît bien, les humains restent des humains, avec des égos, des problèmes matériels… On est tous bercés par le même monde, et souvent des aventures de ce type foirent pour les mêmes raisons, parce que le système capitaliste les rattrape… Ce n'est pas parce qu'on est convaincus que ces militants ont raison qu'on ne peut pas s'amuser de certaines situations.

Yourte vendredi 16 juin à l'espace Bergès de Villard-Bonnot (programmation espace Aragon) ; de 9, 50€ à 20€


<< article précédent
Messa sur ma note (dix sur dix)