« Montrer comment la colère se mue en révolte »

Spectacle sur « l'éveil d'une conscience politique » non sans rappeler le mouvement des Gilets jaunes, "Grès (tentative de sédimentation)" (jeudi 27 juillet) est l'un des temps forts de la 19e édition du festival Textes en l'air, organisé comme chaque année dans le magnifique village médiéval de Saint-Antoine-l'Abbaye. Interview avec Guillaume Cayet, auteur et metteur en scène de cet uppercut.


Quel a été le point de départ de votre texte ? 

Guillaume Cayet : Clairement, le mouvement des Gilets jaunes, même si l'idée n'était pas de faire une pièce sur le sujet – les Gilets jaunes ne sont d'ailleurs quasiment jamais évoqués dans le texte, si ce n'est lorsque je décris quelques personnes qui se réunissent sur les ronds-points. Je suis plutôt parti de mon expérience en manifestation pendant cette période, d'autant plus que j'ai vu des membres de ma famille rejoindre le mouvement. Et en parallèle, j'ai aussi vu la récupération médiatique, et notamment comment la violence qui surgissait du mouvement était moralisée alors qu'en face, une autre violence s'exprimait. Tout ça a fait ma pièce.

Pourquoi ce titre Grès (tentative de sédimentation)  ?

J'ai voulu montrer comment la colère d'un homme se mue en révolte ; montrer cet instant décisif : quand est-ce qu'on décide qu'on va en manifestation. Mais peut-être que, finalement, cet instant décisif n'existe pas, d'où la sédimentation [le grès est une roche sédimentaire, NDLR]. On a l'impression que le personnage de la pièce a toujours consenti aux ordres, puis on se rend compte que la sédimentation était finalement présente en lui depuis longtemps. Car quand on en arrive, un jour, à lancer une pierre, c'est peut-être que les choses grondaient depuis longtemps.

Guillaume Cayet ©Arnaud Foulon

 

Sur scène, le comédien Emmanuel Matte, qui porte le récit, est accompagné par le musicien Valentin Durup, du groupe de rap La Canaille…

Oui. L'idée était de faire un oratorio, une sorte de forme un peu concert, brute, urbaine et poétique. Et ça m'intéressait beaucoup l'idée de frotter mon écriture à la poésie urbaine.

Comment le spectacle est-il accueilli, notamment par celles et ceux qui se sont retrouvés dans le mouvement des Gilets jaunes ?

On fait beaucoup d'itinérance avec le spectacle, on va à la rencontre de tous les publics. J'ai déjà fait pas mal de spectacles sur les violences policières, il y a donc des collectifs qui, maintenant, suivent notre travail. Et qui, clairement, se sont retrouvés dans cette histoire-là, se sont dit qu'enfin l'art s'emparait de ces questions – et je dis ça sans prétention, comme c'est votre question ! Et j'ai aussi vu, pour une partie de ceux qui n'étaient pas sympathisants du mouvement, la prise de conscience que c'était peut-être plus complexe que ce qu'on leur a raconté.

Grès (tentative de sédimentation) jeudi 27 juillet à 21h30 à Textes en l'air (Saint-Antoine-l'Abbaye) ; 8€


Mais aussi à Textes en l'air

Sous-titré « théâtres, poésie, concerts », Textes en l'air s'intéresse chaque été à l'art vivant au présent. « Poètes, musicien.ne.s, autrices, auteurs nous disent le bruit du monde », écrit Valérie Charpinet, directrice artistique du festival, dans le programme de cette 19e édition. Nous aurons donc droit, en plus de la claque Grès (tentative de sédimentation), au spoken word du groupe La Meute ; aux spectacles créés ce printemps en région grenobloise dans le cadre du dispositif d'émergence Les Envolées ; ou encore au spectacle (que nous n'avons toujours pas vu mais qui nous intrigue depuis qu'il tourne dans la région) Mort d'une montagne des auteurs François Hien et Jérôme Cochet, sur l'histoire de « plusieurs personnages pris dans la montagne et confrontés à l'urgence des enjeux qui la concernent ». L'entièreté du programme est, évidemment, sur le site du festival.

Textes en l'air
Du 26 au 30 juillet à Saint-Antoine-l'Abbaye (Isère)


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