Les Nuits de Fourvière en mode revival

Le directeur Dominique Delorme passant la main après cette édition, les Nuits de Fourvière ont concocté un programme musical à la forte teneur en nostalgie qui permettra de revivre quelques-uns des grands moments passés. Parmi eux, les concerts mémorables du groupe islandais ascensionnel Sigur Rós. 


Ce n'est pas l'idée la plus originale qui soit, mais ce n'est pas la moins sympathique : celle de faire de la programmation musicale des Nuits de Fourvière, pour cette dernière du directeur Dominique Delorme, une édition best-of avec quelques-unes des grandes figures et autres pensionnaires chroniques du festival. Histoire de se rappeler les grands moment qu'on a pu y vivre. Et, même si chacun est unique, tenter de les revivre.

De ce point de vue, s'il est un groupe dont les passages à Fourvière auront marqué les spectateurs d'une expérience à jamais gravée – avec sans doute Antony and The Johnsons, PJ Harvey, Nick Cave et David Byrne – d'une épiphanie totale c'est bien Sigur Rós. Parce que le groupe islandais est le genre de formation au tropisme épique dont l'art se fond le mieux dans l'atmosphère unique du lieu, avec cette impression que le théâtre antique peut décoller à tout moment pour monter aux cieux – la mystique de la colline qui prie (même si de moins en moins) y est sans doute pour quelque chose. Aussi parce que Sigur Rós est essentiellement un groupe d'épiphanie autant que d'ascension. La découverte de son premier album fut un doux choc et beaucoup des suivants aussi. À vrai dire, personne n'avait jamais entendu un truc pareil : une sorte de dream pop aux accents progressifs et aux envolées symphoniques portant la poésie sibylline du drôle sabir scandé de manière enfantine par le chanteur Jónsi.

Sainte-Trinité Live

On se souvient de moments en 2013 comme en 2016 où, après des morceaux comme Hoppípolla, Starálfur, Olsen Olsen, Festival ou Untitled #8, on a pu se surprendre à se dire que désormais on pouvait mourir tranquille, là tout de suite, les poils au garde-à-vous et les larmes nous creusant les joues – mais peut-être était-ce la pluie de l'orage. Une extase sans doute comparable à celle des vikings blessés au combat mais qui, rassasiés de bataille et certains d'avoir été au bout d'eux-mêmes, attendaient la caresse mortelle du Valhalla dans une sorte de quiétude réjouie.

Se tenir dans le public d'un concert de Sigur Rós, c'est un peu comme avoir l'impression d'avoir été convié au banquet des Dieux d'Asgard. Il n'y a pas de raison que leur troisième virée au Théâtre Antique soit différente, alors que le groupe a publié l'an dernier une version remasterisée de l'un de ses piliers discographiques, ( ), qui fêtait alors ses – déjà – 20 ans, et qu'il s'apprête à dévoiler cette année un nouvel album forcément très attendu dont des morceaux devraient être livrés en public le 16 juillet. Et ce dix ans après son dernier véritable album "classique" - le groupe a beaucoup publié depuis, mais essentiellement des projets parallèles ou des disques concept.

Un concert best-of mais également teaser, donc, qui devrait réjouir doublement les fans et transformer les prestations de Sigur Rós à Fourvière en quelque chose comme une Sainte-Trinité live. Seule déception, que le concert n'intègre pas la tournée effectuée par le groupe en parallèle avec un orchestre symphonique de 41 musiciens – pour cela il faudra se replonger dans le souvenir d'un concert dantesque à l'Auditorium en 2003, il y a tout juste 20 ans.

Nuits de Fourvière jusqu'au 28 juillet à Lyon

 


Et aussi (encadré) :

Pour la « nouveauté », entre beaucoup de guillemets, il faudra donc attendre, on a le temps. On a donc dit édition best-of, collector, compilatoire d'à peu près tout ce qui a été marquant dans les années Delorme des Nuits de Fourvière. À peu près car sinon l'édition aurait dû durer six mois et poser d'insolubles problèmes de calendrier. Au jour de cette publication, le festival s'étant lancé début juin, beaucoup de concerts ont déjà vécu. Mais il reste quelques beaux morceaux : l'immarcescible Lavilliers, les habitués Ben Harper, Avishai Cohen, l'enfant du pays Biolay, les inédits (il y en a quand même) Simply Red, André Minvielle, la belle présence féminine d'Imany, Pomme, Jeanne Added, et côté indé : Alt-J, The Black Keys, The Queens of The Stone Age. On ne peut pas citer tout le monde, mais ça en fait déjà du beau, du monde.


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