Le(s) déserteur(s)

Avec Volem rien foutre al pais, Pierre Carles poursuit son projet filmique et politique autour de la question du (non) travail, et revendique son indépendance actuelle. Interview. Propos recueillis par CC

Que représente pour vous la sortie en salles de vos films ?Pierre Carles : Depuis Pas vu, pas pris, mes films n’ont en effet pas été vus ailleurs qu’au cinéma, ils ont un peu circulé en échange gratuit sur internet. Mais leur visibilité est surtout liée aux salles art et essai, pas aux salles de cinéma, ils ne passent pas dans les multiplexes. On a réussi avec des petits films bricolés à toucher en moyenne 100 000 personnes, ce qui n’est pas ridicule. Mais ce n’est pas seulement un acte politique, c’est aussi une nécessité économique, et les salles trouvent leur compte à passer ce genre de films.Est-ce une manière de répondre au discours ambiant et télévisuel par un discours de résistance qui se tient sur d’autres écrans ?La question, c’est d’abord de produire des films indépendants qui ne sont pas sous influence, en tout cas pas sous l’influence de la télévision. Les recettes de Pas vu, pas pris ont permis de continuer à produire sans le financement de la télévision, ni des institutions d’ailleurs. Volem rien foutre al païs est le premier à obtenir des financements institutionnels mais on ne les a pas laissés intervenir dans le contenu. Seules les entrées en salles nous financent, ce qui est une autre forme de dépendance… Peu de cinéastes aujourd’hui peuvent se permettre de ne pas faire intervenir les télévisions ou d’intégrer les contraintes de la télévision. Cela a permis de prendre le temps de construire un chantier en plusieurs films sur la question du travail et de rendre quand on se sent prêt l’état de nos réflexions à un moment donné.C’est donc un continuum avec Attention danger travail !Le premier ne devait même pas sortir en salles mais on s’est dit qu’on avait atteint un degré de réflexion, de fabrication et de documentation suffisant pour le mettre en salles et provoquer des retours. On a fait une soixantaine de projections-débats qui ont été en partie filmées et qui auraient dû figurer dans ce film-là, mais qu’on garde au chaud pour un prochain film. Ces réactions nous ont éclairées sur les limites de la désertion du marché du travail sur le mode individuel, ce qui nous a conduit à nous intéresser à des pratiques plus collectives. Ce chantier ouvert va probablement donner lieu à un troisième film, qui permettra de mener à bien une reformulation de la critique du monde du travail, qui n’est pas nouvelle puisqu’elle date des années 70.J’avais été assez agacé par le film précédent, mais celui-là m’est apparu plus ouvert, peut-être parce qu’il n’est pas que centré sur la France…Le film précédent était binaire : il y avait le nouveau salariat précaire d’un côté, et de l’autre les déserteurs qui ont une certaine jubilation à ne pas aller bosser. Là, on est plutôt dans du free jazz, plus complexe, plus international. Même si on s’était cantonné à la France sans aller en Angleterre ou à Barcelone, il aurait été plus universel car il pose des questions qui concernent le capitalisme partout dans le monde : la place accordée dans nos vies au travail, la carotte de la consommation au bout du bâton salariat précaire…

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