Une éducation

Réalisée par Lone Scherfig et scénarisée par le génial Nick Hornby, cette comédie d’apprentissage sur une jeune Anglaise qui découvre l’amour et son amertume dans le Londres coincé du début des années 60 est une petite merveille. Christophe Chabert

Une éducation se présente comme une démonstration paisible de ce que le cinéma anglais sait faire de mieux : une étude de caractères magistralement scénarisée, filmée et interprétée. Rien que ça. Mais ce n’est pas rien d’arriver à un résultat si gracieux, si fluide dans sa narration, qu’on en oublierait presque être devant un film.

Le premier responsable de cette réussite s’appelle Nick Hornby. L’auteur de High Fidelity s’est intéressé ici aux mémoires de Lynn Barber, journaliste qui vivait ses 18 ans à Londres au tout début des années 60. Dans le film, elle s’appelle Jenny, elle est intelligente, jolie, amoureuse de la France, de ses romanciers (Camus) et de ses chanteuses (Gréco). Elle est incarnée par la fantastique Carey Mulligan, qu’on n’avait même pas remarquée dans Brothers, elle irradie ici l’écran de son sourire mutin, poussant le culot jusqu’à imiter avec talent la silhouette d’Audrey Hepburn lors d’une mémorable escapade parisienne.

Jenny développe un romantisme naïf mais craquant en opposition au pragmatisme prolo de son paternel (Alfred Molina, hilarant), mais aussi aux mœurs encore rétrogrades de son pays. Sa rencontre avec David (Peter Sarsgaard, là encore bien meilleur que dans le dernier Tavernier), un bel inconnu de vingt ans son aîné, matérialise tous ses fantasmes d’émancipation. Commence alors une danse de séduction qui, comme le titre du film l’indique, est aussi un roman d’apprentissage amoureux et moral.

Glissements grisants

La peinture du monde dans lequel David évolue a quelque chose à voir avec les romans de Francis Scott Fitzgerald : des trentenaires décadents, rentiers, avides de distraction et de luxe, peu scrupuleux en matière de sentiments. Le choc avec l’univers encore préservé de Jenny n’est pas aussi frontal qu’on pourrait s’y attendre. C’est toute la qualité du scénario et de la mise en scène : le trouble érotique, le basculement de l’idéal littéraire vers une réalité festive et superficielle, l’amertume lucide face aux mensonges dévoilés, ne sont jamais amenés comme des coups de force, mais comme des glissements progressifs du désir.

L’attention portée aux détails, la verve du texte et la précision de la direction d’acteurs produisent une sensation de griserie aussi intense que celle ressentie par l’héroïne. Le dernier tiers, qui ose avec le même talent discret le virage mélodramatique, évoque un autre grand film anglais récent, Fish Tank. Détail révélateur ou hasard troublant ? La réalisatrice danoise Lone Scherfig avait conçu les personnages du premier film d’Andrea Arnold, Red road

Une éducation
De Lone Scherfig (Ang, 1h38) avec Carey Mulligan, Peter Sarsgaard, Alfred Molina…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 8 mars 2016 de John Crowley & Paul Tsan (Irl./G.-B./Can., 1h53) avec Saoirse Ronan, Domhnall Gleeson, Emory Cohen…

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X