Des singes en été

Comédies poussives, blockbusters ineptes : pas grand-chose à se mettre sous la dent cet été au cinéma. La surprise est venue de là où on ne l’attendait pas : La Planète des singes, les origines, série B à la Don Siegel percutante et frondeuse. Christophe Chabert

Au moment de comparer sa récolte de films estivaux, la rédaction du Petit Bulletin est à peu près tombée d’accord sur le fond : celle-ci a été bien maigre. Chacun a pu revenir dégoûté de tel ou tel avatar comique américain faussement trash et simplement grossier (Bad Teacher de Jake Kasdan, Comment tuer son boss de Seth Gordon) ou tester sa limite concernant les films de super-héros (Green lantern de Martin Campbell ou Captain America de Joe Johnston, dont l’inanité ne donne même plus envie de voir les Avengers l’été prochain !). Les désaccords étaient plutôt du côté de Lars Von Trier (réactions divisées sur son Melancholia), et seul Almodovar et JJ Abrams avec La Piel que habito et Super-8 ont créé le consensus. Mais bon, ça, ce n’était pas une surprise.Révolution simiesque
En revanche, qui aurait misé un kopeck sur une prequel à La Planète des singes, dont le cinéaste était tellement inconnu que la bande-annonce préférait le vendre sur le nom de son studio d’effets spéciaux ? Personne et le choc n’en fût que plus grand. Réalisé par Rupert Wyatt (mais il faut aussi saluer les deux scénaristes-producteurs, Rick Jaffa et Amanda Silver, grandement responsables de cette réussite inattendue), le film est pourtant l’inverse d’une démonstration de motion capture (même si César, dont les traits sont empruntés à Andy Serkis, est bien plus présent à l’écran que ses comparses humains James Franco et Freida Pinto) ; c’est un retour à la noblesse de la série B, où le numérique sert à faire de la production value, pas à pallier les manques du récit. Pas de gras, aucune démagogie, mais un film en prise directe avec son époque, comme l’était l’original de Franklin Schaffner. La rigueur de la narration, l’intelligence du point de vue et l’efficacité des morceaux de bravoure créent une sensation de fluidité grisante. Wyatt et ses auteurs parlent de tout (les dérives d’une science qui se retourne contre ses créateurs, la révolte des esclaves contre leurs maîtres, ce qui donne un phénoménal film de prison, aussi brillamment raconté que Les Révoltés de la cellule 11 de Don Siegel), en ménageant quelques visions inoubliables : une meute de singes qui se répandent sur San Francisco comme des rats géants, un assaut sur un pont suspendu où la menace se déploie de tous les côtés, une rue tranquille où les arbres se mettent à trembler en perdant leurs feuilles sur le passage d’une joggeuse éberluée… À rebours des modes hollywoodiennes, cette Planète des singes, comme Super 8, remet les pendules à l’heure : un bon film, c’est une bonne histoire servie par un geste de cinéma intègre. Ça paraît simple, mais c’est hélas ! devenu rare.

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