Le Miraculé

Ce classique paillard de la filmographie de Jean-Pierre Mocky dévoile, derrière son égrillard jeu de massacre, le sens bien particulier de la morale de son auteur. FC

De Jean-Pierre Mocky, on n'a guère plus aujourd'hui que l'image d'un vieil aigri, provocateur à la petite semaine à mi-chemin entre satire et satyre, bricolant des films dans des conditions aussi amateurs que despotiques pour le seul public de sa salle parisienne. Ce caractère de franc-tireur, derrière lequel le bonhomme a fini par se retrancher complètement, a toujours été son moteur créatif.

Paradoxe précieux du cinéma national, le cinéaste n'a cessé, sous des dehors rabelaisiens et jouisseurs, de dénoncer avec férocité les contradictions d'une société française dont il a observé les évolutions avec sa propre approche moraliste. Notables corrompus, hommes de foi hypocrites, révolutionnaires aveugles, escrocs flamboyants et putains magnifiques, tous valsent à contretemps dans ses multiples bals des menteurs, dont il se fait tant l'observateur distancié que le deus ex machina remettant tout le monde à sa place.

Le Miraculé en est un exemple éclatant. Papu (Jean Poiret), chiffonnier fort en gueule, se fait renverser par une voiture. Il simule la paralysie pour toucher l'argent de l'assurance, et se rend à Lourdes dans le but de recouvrer "miraculeusement" l'usage de ses jambes. C'est compter sans l'assureur muet Roland Fox-Terrier (Michel Serrault), qui va le suivre à la trace pour démonter la supercherie.

La grotte des rêves perdus

A ce binôme comique sacré du cinéma français, Mocky va ajouter une galerie de personnages résonnant comme autant d'échos de la crapulerie ambiante. Une prostituée repentie (Jeanne Moreau) ne jurant plus que par Dieu, un abbé affriolé par les démons de la chair, un officiel catholique désireux de se réapproprier la future "guérison" de Papu pour booster le tourisme de la ville sainte, une gitane complice de la mystification, ou encore une famille « en très bonne santé », qui se rend à Lourdes pour se repaître du spectacle du défilé des grands malades.

Tout ce petit monde se télescope tout d'abord dans un enchaînement de saynètes truculentes, aux dialogues toujours savoureux malgré le passage du temps. Une fois que son récit arrive à Lourdes, dans sa dernière partie, Mocky en resserre les enjeux, fait éclater les vérités de façon cinglante pour que tout explose enfin dans une scène finale regroupant tous les protagonistes dans la « grotte des miracles ». Là, chacun aura droit au sort qu'il mérite, non pas selon un jugement bondieusard, mais bien du fait du réalisateur, unique garant de sa vision jubilatoire de la justice.

LE MIRACULÉ
de Jean-Pierre Mocky (1987, Fr, 1h20) avec Jean Poiret, Michel Serrault, Jeanne Moreau...
Jeudi 6 octobre à 20h, à Antigone

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