Un été sous influence

L’été, c’est la saison des reprises sur grand écran, avec une belle rétro Cassavetes au Club, la copie neuve de "Lola" de Jacques Demy au Méliès, et des films en plein air au parc Paul-Mistral. Christophe Chabert

C’est en France que le culte autour de John Cassavetes a pris sa source. Quelques années après sa mort, cinq de ses films ressortent en salles en copies neuves et marquent durablement l’esprit des cinéphiles mais aussi des cinéastes, qui iront s’inspirer de la méthode Cassavetes avec plus ou moins de bonheur. Ces cinq films, les revoici cet été au Club dans des copies numériques. Avec Shadows (1959), il tourne en même temps que la Nouvelle Vague française un film aux méthodes assez proches : décors et lumières naturelles, acteurs non professionnels, sujet pioché dans la réalité (un frère et une sœur, tous deux noirs mais lui plus noir de peau qu’elle, confrontés au racisme ordinaire) et quête de la spontanéité et de la vérité par le jeu comme par la caméra. Le cinéaste, parti sur l’idée d’improvisation, finit par y renoncer et retourne le film intégralement, avec un vrai dialogue qu’il passe du temps à répéter avec ses comédiens. La méthode Cassavetes est née, et elle explose en 1968 avec Faces, où se développe son goût pour les situations d’embarras et de crise. Elle atteint son sommet grâce au superbe Une femme sous influence (photo), avec l’éblouissante prestation de Rowlands en épouse borderline et imprévisible. Elle se mettra en abîme dans Opening night, réflexion sur l’impossibilité de dissocier le travail de l’acteur et sa vie intime. Et elle ira jusqu’à explorer le cinéma de genre dans Meurtre d’un bookmaker chinois, où Cassavetes fait entrer les temps morts et la dérive existentielle dans les codes du film noir.

Nantes-Tokyo

Au tout nouveau Méliès, une autre reprise fera l’événement cet été : celle du Lola de Jacques Demy. Pour son premier long, Demy filme dans un superbe cinémascope noir et blanc la trajectoire de quelques personnages sur le port de Nantes qui ont tous en commun des envies d’ailleurs, avec au centre de la ronde Lola, prostituée et danseuse dans un cabaret, objet de désir qui se livre et se dérobe sans cesse aux hommes qui la convoitent. Par ailleurs, le Méliès propose dans les parcs de la ville une jolie programmation de films en plein air. On en citera deux, incontournables : The Tree of life de Terrence Malick (le 25 juillet au parc Paul-Mistral), un des plus beaux films du monde, à voir et à revoir pour en imprimer la beauté et la profondeur ; et Tokyo ! (le 3 août au parc Paul-Mistral), excellent film à sketchs autour de la capitale japonaise, qui retrouve une pertinence inattendue puisqu’entre les segments de Michel Gondry et Bong Joon-Ho se trouve celui d’un certain Leos Carax, qui figure aujourd’hui le brouillon de son déjà classique Holy motors. Voilà une séance de rattrapage qui tombe à pic !

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