L'Air de rien

Un huissier de justice doit s’occuper du cas de Michel Delpech, avec qui il se lie d’amitié puis qu’il va aider à payer ses dettes. Sur cette idée aussi incongrue que formidable, Grégory Magne et Stéphane Viard signent une comédie réjouissante, toujours juste et discrètement subversive. Christophe Chabert

Au fin fond de la Province, là où le surendettement fait rage, Maître Grégory Morel a repris le cabinet de son père défunt en compagnie d’un associé tatillon, Max Paturel. Le quotidien de ces deux huissiers de justice consiste à se rendre chez des quidams pour expertiser leurs biens avant saisie et mise aux enchères. Un jour, Morel tombe sur un client tout sauf ordinaire : Michel Delpech ; le chanteur, retiré de la musique, vit en ermite sans le sou dans une petite maison où il fait de la cibie en amateur. Criblé de contraventions, il doit toutefois payer ses dettes. Pour Morel, c’est un cas de conscience : son père était fan de Delpech, et l’atavisme familial se heurte donc à une plus complexe affaire de transmission. Précisons : si Grégory Morel est incarné par l’incroyable Grégory Montel, révélation comique et acteur au bas mot génial, Michel Delpech est Michel Delpech. Dans son propre rôle ? Plus exactement dans les interstices énigmatiques de sa biographie, le film lui inventant notamment une expérience de producteur pour un polar à la française dont l’affiche trône encore dans son grenier ! Bougon, peu loquace, l’œil malicieux mais fatigué, Delpech est formidable et permet à L’Air de rien de transformer son pari de départ incongru en situation de comédie crédible.

En mode Delpech

Pour honorer ses traites, Delpech va devoir remonter sur scène. La séquence où il redevient chanteur se déroule dans une boîte de nuit minable, et c’est un petit miracle : la voix rouillée, il reprend maladroitement Quand j’étais chanteur ; le public, qui jusqu’alors se déhanchait sur de la techno bas de gamme, s’avère étonnamment attentif et enthousiaste, et Delpech retrouve ses réflexes d’antan, se pique au jeu et prend à nouveau du plaisir. Plaisir contagieux pour le spectateur : alors que ce show unique se mue peu à peu en tournée de la France profonde et Morel en manager improvisé de Delpech, la comédie prend de l’ampleur et la mise en scène aussi, suite de plans-séquences dont la complexité est pourtant invisible à l’écran. Surtout, dans ce drôle d’attelage entre le chanteur déchu et l’huissier pris de scrupules, entre une bohème boiteuse et un notable encanaillé, se joue une politique de l’amitié qui défie les institutions et la logique de l’argent. L’air de rien, en effet, ce premier film tonique révèle alors son caractère joyeusement subversif.

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Dimanche 4 novembre 2012 À 66 ans, Michel Delpech, chanteur ayant su traverser les époques sans se caricaturer, se réinvente au cinéma dans "L'air de rien", une fiction où il s’incarne lui-même. À moins que ce ne soit un autre ? Christophe Chabert

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