Sugar Man

Sugar Man
De Malik Bendjelloul (Angl-Suè, 1h25) documentaire

C’est le phénomène musical et cinématographique de la rentrée : un documentaire qui part à la recherche de Sixto Rodriguez, folkeux américain génial et maudit dans les années 70, devenu sans le savoir une star en Afrique du Sud. Le film est une petite chose, mais le personnage est immense. Christophe Chabert

La sortie atypique de ce Sugar Man (d’abord deux salles à Paris et une à Lyon fin décembre, puis des écrans supplémentaires courant janvier dans d’autres villes), son succès instantané, sa nomination à l’oscar du meilleur documentaire et l’explosion des ventes de sa bande originale, tout cela contribue à faire du film de Malik Bendjeloul un petit phénomène. Attention pourtant à ne pas surestimer la valeur cinématographique d’un tel objet, qui tient du 52 minutes allongé par tous les moyens.

Bendjeloul a visiblement pris conscience de l’or qu’il avait entre les doigts : la redécouverte d’un folkeux obscur des années 70, Sixto Diaz Rodriguez, auteur de deux albums fantastiques où il s’impose comme un Dylan latino-indien, songwriter inspiré servi par des arrangements très en avance sur son époque. Il n’a connu aucun succès dans son pays (les États-Unis), a disparu des radars (la légende le disait mort sur scène, où il se serait immolé par le feu !), avant que l’Afrique du Sud (du moins, les Afrikaners) ne s’emparent de sa musique et finissent par lui vouer un véritable culte. Le documentaire se contente, dans sa première partie, de retracer le parcours parallèle de deux Sud-africains, un fan et un journaliste, tous les deux à la recherche de Rodriguez, tentant d’élucider le mystère autour de son évaporation et de sa prétendue mort.

Double enquête redondante où chacun suit à peu près les mêmes pistes, et cette première partie vaut surtout pour le choc musical qu’elle procure. Les chansons de Rodriguez sont en effet à la hauteur de la mythologie qui les accompagne, et Bendjeloul en retrace la fabrication en allant interviewer le producteur de la Motown chez qui Rodriguez avait signé, tout en sillonnant les rues de sa ville d’adoption, l’industrielle et prolétaire Detroit.

L’Abbé Pierre du folk

Malgré les tentatives un peu vaines pour entretenir le suspense, on se doute assez vite que Rodriguez va réapparaître parmi les vivants, et que les petits cartoons qui servent de reconstitution ne sont qu’un pis-aller avant son irruption à l’écran. Un fantôme : c’est exactement ainsi qu’il surgit dans le film : derrière une vitre sale, lunettes noires et gestes lents, comme s’il hantait depuis trois décennies cette vieille baraque décrépite. Mais Rodriguez est bien vivant, et toujours alerte.

Dans la deuxième moitié, Sugar man décrit son mode de vie actuel : celui d’un ouvrier efficace, d’un père de famille attentionné et d’un homme modeste. On apprendra ensuite que sa popularité sud-africaine lui a permis de remplir des salles immenses lors de concerts triomphaux, mais que l’ensemble de l’argent gagné a été distribué à ses filles et son entourage. Sorte d’Abbé Pierre de la musique, Rodriguez semble avoir pris acte de cette célébrité qui l’a fui dans les années 70, et accueille cette reconnaissance tardive non pas comme une revanche, mais comme un cadeau dont il n’a pas vraiment besoin, ne gardant pour lui que l’estime et l’affection qu’on lui témoigne. Un personnage fascinant, un musicien prodigieux : Sugar man sonne comme le premier acte d’une histoire qui n’est pas prête de se terminer…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Dimanche 30 juin 2013 Attendu comme le Messie, le Sugar Man Rodriguez a déçu lors de ses récentes prestations parisiennes. Et si, à la veille de son concert à Jazz à Vienne, en première partie de Ben Harper, on attendait finalement un peu trop de cet extraordinaire...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X