How I live now

How I Live Now
De Kevin Macdonald (Ang, 1h46) avec Saoirse Ronan, George Mackay...

L’éducation sentimentale d’une jeune Américaine névrosée chez ses cousins anglais en pleine troisième guerre mondiale : Kevin MacDonald mixe SF réaliste et romantisme sans jamais dégager de point de vue cinématographique sur ce qu’il raconte. Christophe Chabert

Quand l’Américaine Daisy débarque chez ses cousins anglais, c’est d’abord le choc des cultures : d’un côté, une post-ado grunge névrosée — elle entend des voix et souffre d’anorexie — de l’autre, une famille rurale dont la mère, inexplicablement, s’affaire à des questions de politique internationale. Il faut dire que la troisième guerre mondiale menace et que le péril nucléaire plane au-dessus de Londres — Paris, on l’apprend dans un flash télé, a déjà été réduite en cendres. Alors que Daisy s’amourache du solide Eddy et qu’ils folâtrent entre cousins au bord d’une rivière bucolique, le souffle d’une explosion et une pluie de cendres signalent que le conflit a commencé, et que l’heure n’est plus à la rigolade. Ça s’appelle une rupture de ton, et c’est tout le pari d’How I live now : passer presque sans transition du récit d’apprentissage à la SF réaliste, de la romance teen au survival post-apocalyptique.

Comment Kevin MacDonald, documentariste brillant (voir son récent Marley) mais cinéaste de fiction balourd (Le Dernier roi d’Écosse, bio filmée façon Alan Parker, Jeux de pouvoir, médiocre transposition de la série State of play) gère-t-il ce mélange-là ? Pas très bien, à vrai dire… Le premier tiers est filmé n’importe comment, avec une avalanche de plans caméras à l’épaule assemblés selon un montage hystérique où rien n’est véritablement lisible, et la caractérisation des personnages est au-delà du schématisme.

Seule intrigue la manière dont le contexte guerrier s’immisce dans les marges de l’action : des avions qui survolent bruyamment le ciel, des militaires qui encerclent l’aéroport… S’inspirant manifestement des Fils de l’homme d'Alfonso Cuarón, MacDonald tente de faire entrer cette inquiétude sans quitter le point de vue, détaché et insouciant, de ses jeunes protagonistes. Dès que ce danger s’actualise à l’écran, le cinéaste change de braquet : les plans sont plus composés, le montage plus calme et les visions d’horreur en deviennent authentiquement choquantes.

How I live now est, dans cette longue deuxième partie, assez intriguant et parfois inspiré ; il est cependant plombé par une suite de décisions pas inintéressantes dans l’absolu, mais qui se retournent systématiquement contre le film. Ainsi, MacDonald s’obstine à ne pas éclaircir les raisons du conflit et la nature des forces en présence ; pourtant, il ne cesse de glisser des éléments qui suggèrent une possible manipulation des masses, l’armée désignant les « terroristes » comme les méchants mais se comportant de manière abrupte et totalitaire avec la population.

On n’en saura pas plus, et le film semble émasculer de sa portée politique sans qu’on comprenne si cela relève d’une certaine couardise ou d’un vrai parti pris. Car ce qui manque ici, c’est bel et bien un point de vue : MacDonald n’est ni Alfonso Cuarón donc, ni Mark Romanek qui, dans le beau et sous-estimé Never let me go, parvenait à raconter un futur proche et flippant sans quitter des yeux les tourments adolescents de ses héros. Lui traite les scènes comme elles viennent, sans véritablement se soucier de la cohérence de l’ensemble, et la noirceur du propos paraît en fin de compte très artificielle.

Ainsi de Daisy elle-même et de son trouble névrotique, sur lequel le cinéaste insiste lourdement dans la première partie, et qu’il dégage presque intégralement de la seconde, avant de le faire réapparaître comme par magie dans la conclusion. Un personnage en fin de compte mal développé, dont les revirements sont tous expéditifs — qu’elle tombe amoureuse ou qu’elle choisisse de survivre coûte que coûte — et sauvé de justesse par la décidément fascinante Saoirse Ronan, aussi énergique et brute ici qu’elle est discrète et charmante dans The Grand Budapest Hotel. Elle seule semble savoir où le film nous emmène, tandis que derrière la caméra inutilement agitée de Kevin MacDonald, la navigation se fait manifestement à vue…

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