À quoi sert Vues d'en face ?

Festival Vues d'en Face

Alors que s’ouvre cette semaine la quatorzième édition du festival international du film gay et lesbien de Grenoble, zoom sur quelques pans de la programmation à découvrir au cinéma le Club. 

Il existe plusieurs festivals du film gay et lesbien en France, qui ont souvent une couleur particulière mais non réductrice (le mouvement queer, le militantisme...). Vues d’en face, lui, n’a jamais vraiment tranché, se qualifiant simplement de « festival international du film gay et lesbien » ; d’où l’idée que l’on ait toujours eu un peu de mal à lui trouver une ligne directrice.

Un mal pour un bien, car ce flou artistique lui permet une grande diversité niveau propositions et un balayage assez large du cinéma dit LGBT (on peut passer d’une production avec des beaux gosses torse nu à un documentaire très fort sur un pays homophobe). Mais au fait, à quoi ça sert un festival de la sorte ? Tentatives de réponses.

À montrer ce qu’il se passe en face

La raison première d’un événement comme Vues d’en face est de présenter un cinéma centré sur des thématiques pas ou peu abordées par le cinéma traditionnel – même si en France, 2013 a été plutôt riche sur ces questions, avec les excellents La Vie d’Adèle et L’Inconnu du lac ou le controversé Les Garçons et Guillaume, à table.

On soulignera cette année la projection en clôture du festival du Noor de Guillaume Giovanetti et Cagla Zencirci, mettant en scène le quotidien d’un membres des Khusras, la communauté des transgenres du Pakistan, souhaitant "redevenir un homme". Une perle cinématographique sensible et touchante, emplie de liberté, qui offre une vision méconnue du sujet.

Noor, samedi 19 avril à 21h30

À militer

« Le recul de l’exécutif français sur la reconnaissance de l’évolution des familles, la loi russe stigmatisant les homosexuel-les en les présentant comme un danger pour les enfants, ou encore le durcissement de la répression en Ouganda et plusieurs autres pays nous rappellent qu’il faut poursuivre la lutte contre les discriminations à tous les niveaux » (extrait de l’édito).

Suivant cet axe, la partie documentaire de la programmation est à chaque fois fournie. On retiendra notamment la diffusion lors de cette édition de LesbianaUne révolution parallèle, film passionnant de Myriam Fougère se penchant sur les mouvements lesbiens radicaux des années 1970-1980 et leurs rapports contrastés avec le féminisme ou encore à la religion. Nourri de divers témoignages de militantes de l’époque, il questionne avec pertinence la portée politique d’un mouvement atypique. « Pour ces femmes, être lesbienne est beaucoup plus qu’une d’orientation sexuelle, c’est une façon d’être au monde qui englobe les dimensions politiques, philosophiques, psychiques, spirituelles et culturelles. Elles gardent aujourd’hui ce regard original sur le monde, même si plusieurs se sont finalement intégrées à la société » (note d’intention de la réalisatrice).

Lesbiana, dimanche 13 avril à 16h30

À s’autoriser des ovnis

Pendant le festival, le spectateur de Vues d’en face a une tolérance plus large que d’habitude. C’est qu’il y a une part de risque à venir découvrir les films sélectionnés. Tant qu’elles mettent en scène des thématiques LGBT, les programmateurs peuvent donc se permettre des œuvres atypiques qu’on aurait par exemple aussi bien pu découvrir dans une galerie d’art (le court-métrage Narcissus) qu’un soir tard sur Arte.

Librement inspiré d’Opium : Journal d'une désintoxication de Jean Cocteau, le film d’Arielle Dombasle réalisé l’an passé va dans ce sens. On était en droit de s’attendre à un délire arty comme l’on écrit avec véhémence certains critiques, mais c’est plus que ça, l’apprentie réalisatrice étant arrivée à capter avec finesse le dandysme de l’époque – les années 1920. En prenant comme point d’ancrage les amours contrariées entre le jeune Raymond Radiguet (l’auteur du Diable au corps) et la figure qu’était Cocteau, elle livre un long-métrage intrigant, entre l’œuvre d’art, la comédie musicale et la réflexion romantique. Le tout avec un casting 5 étoiles (Grégoire Colin, Julie Depardieu, Hélène Fillières, Philippe Katerine, Niels Schneider, Jérémie Elkaïm, Arielle Dombasle elle-même...) participant à l’étrangeté du résultat.


Opium
, mardi 15 avril à 22h

À bien se marrer

S’il y a chaque année dans la programmation de nombreuses comédies, il y a aussi quelques films tellement premier degré qu’ils finissent par être involontairement hilarants – on appelle ça des nanars. Notre meilleur souvenir dans cette catégorie étant Shank de l’Anglais Simon Pearce, programmé en 2010 : une histoire de petite frappe homo dialoguée façon AB Productions.

Manque de bol, cette année, dans la dizaine de films visionnés par nos soins, on n’a pas trouvé de perle similaire. Même si le 7e Ciel de Guillaume Foirest lorgne sur les terres de Shank – oulala, quelle fin ! Mais si le ridicule et les clichés s’immiscent dans chaque scène de ce moyen-métrage suivant les pas d’un mec de cité contraint de cacher son homosexualité, le réalisateur sauve son aventure en mettant en place un univers étouffant crédible et en filmant ceux qui peuplent la banlieue de façon brute, sans fard ni misérabilisme. Comme dans le tableau d’ouverture qui fait furieusement penser au très controversé clip Stress de Romain Gavras pour le groupe Justice.

7e Ciel, samedi 12 avril à 16h30 (séance courts toujours)

Vues d’en face, du vendredi 11 au samedi 19 avril, au Club

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