Near Death Experience

Near Death Experience
de Gustave Kervern (Fr, 1h27) avec Michel Houellebecq, Benoit Delépine...

L’errance suicidaire d’un téléopérateur dépressif en maillot de cycliste. Où la rencontre entre Houellebecq et le tandem Kervern / Delépine débouche sur un film radical, peu aimable, qui déterre l’os commun de leurs œuvres respectives : le désespoir face au monde moderne. Christophe Chabert

Un jour comme les autres, Paul, téléopérateur chez Orange, décide de mettre fin à ses jours. Il laisse sa famille sur le carreau, enfile son maillot de cycliste Bic et part se perdre dans la montagne. Near Death Experience enregistre son errance suicidaire comme un retour à l’état primitif, tandis qu’en voix off ses pensées sur le monde et sur sa triste existence bientôt achevée se déversent.

Après la déception provoquée par Le Grand Soir, dans lequel leur cinéma de la vignette sarcastique virait au système, Gustave Kervern et Benoît Delépine effectuent une table rase radicale. Il n’y a à l’écran qu’une âme qui vive, celle de Michel Houellebecq, dont le tempérament d’acteur a été formidablement déflorée par l’excellent L’Enlèvement de Michel Houellebecq vu sur Arte la semaine dernière ; les autres personnages sont des silhouettes dont on ne voit la plupart du temps même pas le visage, sinon ce marcheur avec lequel Paul entame une partie de "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette"… Cette nudité est renforcée par une image sale et bruitée, fruit d’un tournage en équipe réduite à l’IPhone, au plus proche de la réalité racontée à l’écran : un homme veut mourir, point.

Sans issue

À l’exception de quelques passages plutôt drôles (Houellebecq qui improvise un pseudo-rap sur la boucle d’une alarme de voiture ou qui se jette sur une tente Quechua et ses occupants), le burn out remplace ici l'habituel slow burn. Near Death Experience rumine un désespoir absolu et total contre le monde moderne, où l’individu est transformé en fourmi travailleuse et docile écrasée par le renoncement quotidien. Le film semble lui aussi errer de scène en scène, accompagnant la dérive de son personnage et ses atermoiements, ce qui en fait une œuvre peu aimable et parfois ennuyeuse à force de refuser toute concession à la dramaturgie traditionnelle.

Pourtant, quelque chose intrigue, et même passionne, dans cet objet rugueux et minimaliste : la fusion entre les obsessions de Houellebecq et ce qui constitue le cœur secret de tous les films de Kervern et Delépine. On ne sait plus qui parle à l’écran, de l’auteur ou des cinéastes, mais tous convergent vers l’expression d’une rage froide et résignée face à un présent désormais dépourvu de futur. Dans Mammuth, la poésie et l’art brut offraient à Depardieu une issue ; ici, il n’y en a aucune, sinon celle d’une mort la plus rapide et la plus douce possible.

Near Death Experience
De Gustave Kervern et Benoît Delépine (Fr, 1h27) avec Michel Houellebecq…

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