Les Mille et une nuits volume 1 : l'inquiet


Première partie du « geste » politico-poétique de Miguel Gomes, dont les bonnes intentions et les belles idées se fracassent sur sa mégalomanie d’auteur.

Faisons ici une petite autocritique : il nous arrive, par paresse, d’employer à tort et à travers le mot "geste" pour qualifier un film qui affirme une vision radicale du cinéma où une aventure portée par un auteur prenant le risque de ne croire qu’en la mise en scène pour véhiculer son discours et ses idées. Mais quand Miguel Gomes, réalisateur célébré de Tabou, tourne ces Mille et une nuits de plus de six heures découpées en trois parties, il semble lui-même écrire à tous les plans : « Ceci est un geste de cinéma. » Est-ce pour autant un film abouti ? Non, plutôt une accumulation d’idées et de bouts de récits tenus ensemble par un concept assez hasardeux : témoigner des méfaits de la Troïka sur la population portugaise tout en injectant des réminiscences lointaines de l’histoire de Shéhérazade.

à lire aussi : Tabou

Le conte oriental + le documentaire politique : pourquoi pas. D’autant plus que la nécessité d’un tel projet saute aux yeux, même du plus libéral des cinéphiles… Mais il s’avère en définitive totalement contre-productif, tant Gomes, faute de producteur et de monteur dignes de ce nom, n’a fait qu’assembler les rushs de son tournage, provoquant longueurs, lenteurs et répétitions. Le matériau lui-même est inégal : la parole des ouvriers virés des chantiers navals ou le mage africain venu donner de spectaculaires érections aux membres du FMI, de Bruxelles et de la BCE, puissants économiquement mais impuissants sexuellement, sont des passages assez forts ; en revanche, l’histoire du coq et celle de la grande baignade entrecoupée de témoignages redondants de chômeurs dans la mouise relèvent du j’m’en foutisme intégral.

On comprend mieux, au terme de ce volume 1, son introduction, plutôt gonflée : Gomes, effrayé par sa propre création, s’enfuit à toutes jambes laissant son équipe lui courir après. Une autocritique qui n’est pas qu’un pied de nez mais aussi la vérité d’un film qui tient plus du grand foutoir que d’un "geste" foisonnant.

Christophe Chabert

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