La Isla minima

La Isla Minima
D'Alberto Rodriguez (Esp, 1h44) avec Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez (II)...

Deux flics enquêtent sur des assassinats de femme dans une région marécageuse et isolée, loin des soubresauts d’un pays en pleine transition démocratique. En mélangeant thriller prenant et réflexion historique, Alberto Rodríguez réalise avec maestria un "True Detective" espagnol. Christophe Chabert

Au tout début des années 1980, l’Espagne continue sa transition entre la dictature franquiste et la monarchie républicaine. Les échos de cette mutation ne parviennent que lentement vers une région reculée de l’Andalousie cernée par les marais, où les habitants ont définitivement renoncé à mettre leurs pendules à l’heure. Pourtant, l’assassinat de deux jeunes filles lors des fêtes annuelles va conduire deux flics venus de Madrid à débarquer dans cette communauté fermée et discrète pour faire surgir la vérité et lever les hypocrisies morales.

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Alberto Rodríguez, cinéaste jusqu’ici plutôt mineur au sein de la nouvelle génération espagnole, parvient très vite à lier ensemble son thriller et le contexte politique dans lequel il l’inscrit. Et ce grâce à la personnalité de ses deux enquêteurs : l’un, Juan, obsédé par la résolution de l’affaire, représente la nouvelle Espagne qui se met en place lentement et tente de remplacer les méthodes expéditives des milices franquistes ; l’autre, Pedro, a plus de mal à oublier ses vieux réflexes et y voit surtout une forme d’efficacité non entravée par les droits des suspects. Mais cette tension se retrouve aussi dans l’intrigue elle-même : cette jeunesse massacrée est surtout victime de son désir de changement, abusée par la promesse d’une liberté qui n’est peut-être qu’un miroir aux alouettes.

Espagne, année zéro

Si Rodríguez dit avoir pris comme référence Memories of murder de Bong Joon-ho, on pense surtout True Detective face à La Isla minima, tourné en même temps que la série de Nic Pizzolatto : les décors moites et écrasés par la chaleur, l’attitude inquiétante des autochtones, la peinture d’une corruption quasi-culturelle, tout semble renvoyer à une même déréliction dont le pouvoir comme les citoyens se feraient les agents. Surtout, à l’instar des meilleurs polars, Rodríguez ne laisse pas passer ses morceaux de bravoure et de suspense, sinon d’effroi.

De plus, son évocation des contradictions nées de la démocratie espagnole balbutiante vise en transparence son échec actuel. Impossible de ne pas voir dans ce programme immobilier au centre de l’intrigue la source de la prospérité, puis du malheur, de l’Espagne d’aujourd’hui. En refusant d’arracher toutes les mauvaises herbes héritées de Franco, le pays a semé le germe de sa propre destruction ; on ne s’étonnera pas, dès lors, de voir l’épilogue-twist rajouter une dernière louche de pessimisme et de désespoir…

La Isla Minima
D’Alberto Rodríguez (Esp, 1h44) avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez…

Sortie le 15 juillet

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