"Grave" : tu vas prendre chair !

Grave
De Julia Ducourneau (Fr-Bel, 1h38) avec Garance Marillier, Ella Rumpf...

Parabole initiatique apprêtée en conte ogresque, la première réalisation de Julia Ducournau conjugue gore soft avec auteurisme arty. Un galop d’essai qui vaut une pinte de bon sang. À réserver à celles et ceux qui ont de l’estomac.

Débarquant en école vétérinaire, la frêle Justine, issue d’une famille de végétariens, est saisie d’une étrange pulsion : elle se découvre un goût soudain pour la viande… humaine. Cet appétit contre-nature, qui surgit parmi moult perturbations et dérèglements, va lui ouvrir de nouveaux horizons…

Pour asseoir leur aura horrifique, les œuvres d’épouvante font volontiers précéder leur sortie de rumeurs insolites censément survenues lors des premières séances publiques, nourries d’évanouissements, syncopes et autres catalepsies. Grave n’échappe pas à cette tradition (commerciale) ; il tranche cependant par son origine "exotique" pour un film de genre – la France – et ses aspirations esthétiques revendiquées. Le fait qu’il ait en sus été présenté à la Semaine de la critique du Festival de Cannes l’a nimbé d’emblée d’un prestige de ravissant monstre, qui a alléché tous les assoiffé(e)s d’hémoglobine scandaleuse et de transgressions sur grand écran.

Le grand écarlate

Julia Ducournau use avec délices des lignes de fuites et des profondeurs offertes par le décor de l’école – un personnage en soi, tout en angles et rugosités grises. Dans chacune des séquences de son film affleure son désir de composer le plan dans sa plus juste architecture, son plus complet équilibre chromatique. Cette application manifeste trahit la bonne élève, et fait écho au désir de maîtrise de son personnage, confrontée à l’appropriation d’un nouveau mode d’expression – en l’occurrence pour Justine (clin d’œil au divin marquis) un langage primal et organique.

La cinéaste ne manque ni d’audace, ni d’inventivité pour parvenir à l’efficacité brute. Corps putrides et décorations de chairs ne sont pas épargnés pour donner à Grave ce sang dont sont dépourvues les timides tentatives de gore hexagonales. Manque toutefois encore un peu de substance dans l’écriture, souffrant de la maladie du cartésianisme et d’un brin court-métragisme résiduel – quelle déception que cette fin à chute !

Notons pour conclure la remarquable cohérence de Julia Ducournau dans le registre sémantique de l’écarlate : elle court jusqu’à son générique, où figurent une comédienne prénommée Garance et la société de production Rouge international. Sang blague!

Grave
de Julia Ducournau (Fr., int. -16 ans, 1h 38) avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 14 mars 2022 La course à perdre haleine d’une mère célibataire jonglant entre découvert chronique, problèmes domestiques, boulot à Paris et espoir d’un meilleur job. Ou comment derrière une vie quotidienne se dissimule le plus impitoyable des thrillers...
Jeudi 15 juillet 2021 ★★★☆☆ / Une carrosserie parfaitement lustrée et polie, un moteur qui rugit mais atteint trop vite sa vitesse de croisière pépère… En apparence du même métal que Grave, son premier et précédent long métrage, le nouveau...
Mercredi 16 juin 2021 Une éleveuse de sauterelles en difficulté découvre que nourrir ses bêtes en sang fait bondir le rendement. Aux lisières du fantastique et du drame social, le premier long de Just Philippot interroge les genres autant que notre rapport au vivant et à...
Mardi 21 novembre 2017 On sait depuis Spider-Man qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Mais comment les assumer si l’on a pas encore conscience d’en posséder un ? Dans "Thelma" du Norvégien Joachim Trier, son éveil chez une jeune femme coïncidera avec...
Jeudi 16 mars 2017 D’ores et déjà assuré de figurer parmi les concurrents au prix du meilleur premier long-métrage l’an prochain, "Grave" a été avant même sa sortie un phénomène international. Rencontre avec sa réalisatrice.
Jeudi 10 octobre 2013 Dans les années 60, les folkeux américains avaient inventé la « protest song ». Littéralement « chanson de protestation » qui entendait refaire le monde. À sa (...)
Vendredi 27 septembre 2013 Au commencement, une question, tristement banale, après l'amour : « À quoi penses-tu ? ». Qui ouvre les vannes de l'esprit du musicologue qui a emmené sa (...)
Mardi 25 mai 2010 Eric Hurtado aime la photographie, et nous dirons qu’elle le lui rend bien. En explorant les limites de ce que ce médium peut représenter, il vogue vers (...)
Lundi 3 mai 2010 Ce jeune et prolifique artiste letton expose une partie de sa production photographique au centre d’art OUI jusqu’au 23 mai prochain. Le titre de (...)
Lundi 6 avril 2009 Jusqu’à fin août, Grenoble fête Marc Pessin, graveur et éditeur vivant au cœur du massif de la Chartreuse. Le Musée de Grenoble, la bibliothèque du centre-ville (...)
Mercredi 11 janvier 2006 Musique / Un peu plus de deux ans après leur formation, les Schwere Artillerie accouchent de leur premier album, Brutal Bebop Show, juste reflet de (...)
Mercredi 17 octobre 2007 MÉDECINE / Depuis la rentrée 2006, pour pallier une recrudescence du nombre d’inscrits à la faculté de médecine de Grenoble, les étudiants de première année suivent leurs cours sur DVD-Rom. Solitude ou autonomie, difficulté ou efficacité, les avis...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X