"Wallay" : beau « film métis » d'apprentissage signé Berni Goldblat

Wallay
De Berni Goldblat (Burk, 1h24) avec Makan Nathan Diarra, Ibrahim Koma...

de Berni Goldblat (Fr.-Burk.-Qat., 1h24) avec Makan Nathan Diarra, Ibrahim Koma, Hamadoun Kassogué…

Petite délinquance, chapardage des économies familiales… Ady a trop tiré sur la corde. Son père l’envoie donc en "vacances" chez son oncle au Burkina Faso. Sur place, l’ado apprend que son billet de retour en banlieue dépend de ses efforts. Un lent apprivoisement mutuel débute…

Venu du documentaire, Berni Goldblat dessine dans ce film d’apprentissage une trajectoire géographique allant à rebours de la majorité des productions contemporaines traitant de l’axe Europe-Afrique : la question de l’immigration est ici présente en arrière-plan. Son jeune héros Ady doit certes obtenir un visa, mais c’est pour l’âge adulte, non pour un supposé eldorado. Le réalisateur en profite également pour casser le cliché d’un bled rétrograde et miséreux, vivant hors la modernité : l’emprise consumériste y est réelle, mais pas aussi forte qu’au nord de la Méditerranée. Du (bon) grain à moudre pour de jeunes spectateurs s’interrogeant sur leur identité ou leur sujétion aux marques !

Un mot pour finir sur de l’épatante partition signée par le compositeur Vincent Segal, qui tire profit de toutes les potentialités de fusions entre les instruments et les cultures. La synthèse est si parfaite qu’on ne saurait dire quel continent pourrait revendiquer la plus grande influence. On touche là à de la réelle musique du monde.


Berni Goldblat : « "Wallay" est un film métis »

Wallay retrace un parcours initiatique, et montre que l’initiation n’a pas le même sens pour toutes les générations…

Berni Goldblat : Exactement. L’initiation de l’oncle correspond à une tradition gravée dans le marbre, à la loi, au dogme. Ady, le jeune héros, s’initie à sa manière et devient un adolescent ; il mûrit avec son procédé à lui. Il n’y a pas que d’une manière que l’on peut s’initier. On ne devient pas quelqu’un uniquement par un document écrit.

On est quelqu’un par ce qu’on a fait, par ce qu’on a vécu ; on peut être noir sans être africain, blanc sans être européen… Ce qui est important, c’est la trace, pas ce qu’on représente aux yeux des autres. Une identité, c’est pas un drapeau une religion ou des habits, c’est bien plus compliqué. Wallay parle de tout cela.

Pour Ady, l’Afrique tient de l’abstraction : il l’arbore sur un médaillon, mais ne sait pas grand-chose d’elle...

C’est un fantasme ; c’est le bled. La première phrase qu’il dit en arrivant, c’est : “Depuis le temps que j’en rêve…”. Il sait objectivement que son autre pays c’est le Burkina, mais, visiblement, son père ne lui a pas transmis la langue. Or la langue, c’est vachement important : elle contient toute la mentalité, la culture, l’humour… Ady se trouve comme un étranger sur cette terre, sans aucun point de repère. Il la fantasme comme beaucoup fantasment leur pays d’origine sans le connaître. J’avais besoin de cette ambivalence.

Qu’est-ce qui vous a été le plus utile pour mener à bien cette première fiction : venir du documentaire ou bien votre connaissance de l’Afrique ?

J’ai toujours fait mes films en Afrique, donc ça été plus facile de tourner au Burkina qu’à Lyon : j’étais quasiment chez moi, je maîtrisais les décors, la mentalité des techniciens, je parle le dioula… Les difficultés sont venues de plein de problèmes objectifs : des attentats djihadistes avant le tournage, du fait que le comédien avait 13 ans et qu’il fallait les autorisations de-ci de-là, ou de l’obligation de changer tous les décors préparés depuis un an et demi à deux mois du tournage parce qu’ils étaient en zone rouge. On a surmonté ces difficultés parce que je connais le pays : en deux semaine, j’ai parcouru 5 000 km pour trouver d’autres décors — qui sont finalement encore mieux. C’est souvent comme ça dans la vie : de la contrainte naît un truc inespéré et inattendu.

Quant à mon origine documentaire… Je voulais que cette histoire s’inscrive dans quelque chose de réel, d’aujourd’hui, dans des décors vrais. On n’a rien construit à part un débarcadère sur le lac. Tout le reste, ce sont de vraies maisons habitées par de vraies personnes : on n’a rien inventé. On a également beaucoup de figuration naturelle, notamment dans la ville de Ouaga. Finalement, on a du mal à définir le style du film : comédie, drame, docu-drama… On n’arrive pas à trouver un genre et ça m’arrange bien, car je suis aussi indéfinissable que Ady l’est.

C’est un film métis, également par sa conception puisque les techniciens venaient de partout : France, Bénin, Sénégal, Mali. Le tournage s’est fait en partie au Burkina, en partie à Lyon ; le montage à Paris, la post-production à Lyon… Le monteur est métis burkinabè-français… Il y a une palette très rigolote et très colorée autour de ce film.

Vous portez parallèlement le projet du Ciné-Guimbi : la renaissance de deux salles de cinéma à Bobo-Dioulasso, au Burkina-Fasso. Comment évolue-t-il ?

C’est un travail de longue haleine, on avance bien. La sortie de Wallay me permet de parler de Guimbi dans mes voyages, à Cannes par exemple… On espère ouvrir fin d’année 2017 la petite salle, le restaurant le bar et les bureaux. Mais ce n’est pas une course : on est encore à la recherche de fonds et de de partenaires pour le terminer.

Mais on ouvrira, c’est désormais une certitude ; savoir quand dépend de nombreux facteurs. Vous savez, tout est lié : j’ai pu faire ce film, il faut le montrer au public — c’est-à-dire dans une salle. Avec une salle, on fait vivre des cinéastes et on alimente tout un écosystème.

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