Bertrand Mandico : « Je tire parti de tout ce que propose la pellicule »

Les Garçons sauvages
De Bertrand Mandico (Fr, 1h50) avec Pauline Lorillard, Vimala Pons...

Artisan héritier de Méliès, le réalisateur Bertrand Mandico évoque avec un enthousiasme volubile la confection de son film "Les Garçons sauvages".

Après un nombre incalculable de courts-métrages, vous voici au long avec Les Garçons sauvages. Enfin ?

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Bertrand Mandico : J’ai eu des subventions pour ce film et pas pour les précédents que j’ai écrits. Pendant un certain temps, j’ai travaillé avec un producteur qui m’a mis dans une prison chromée mais qui n’allait pas à la pêche aux subventions : jamais il ne passait à l’acte. Et j’avais besoin de tourner : parallèlement à ce que j’écrivais, j’ai fait pas mal de courts et de moyens-métrages. Au bout d’un moment, le producteur Emmanuel Chaumet m’a dit : tu es en train de dépérir. Il m’a proposé de me produire rapidement. Et c’est ce qu’il a fait.

Vous réunissez ici toute votre famille de cinéma…

La chef opératrice Pascale Granel, ça fait une quinzaine d’année que je travaille avec elle. Après, au fil des courts et des moyens-métrages, j’ai fait des rencontres…Notamment le musicien, à la fin de la post-production des Garçons sauvage. Concernant les acteurs, je ne sais pas si je devrais raconter ça, mais j’avais un projet de western il y a quelques années, à deux doigts de se faire : on avait eu pas mal de subventions. Mais j’ai eu des déboires de production. Ce qui est assez étrange par rapport à ce film, c’est que le casting est mort depuis. Pourtant, ce n’est pas si vieux que cela. Il devait y avoir Katia Golubeva, Guillaume Depardieu, Maurice Garrel, Tina Aumont… C’est assez étrange de constater cela, c’est un vrai projet fantôme.

Outre sa dimension plastique, esthétique évidente, le noir et blanc a-t-il pour vous une caractéristique androgyne ?

C’est une approche assez graphique, ça durcit en quelque sorte les traits. La façon dont on l’a travaillé, avec des lumière assez tranchées, ça m’aidait à faire passer la pilule. Les lèvres un peu rosées, tout ça était gommé. On n’a pas utilisé de maquillage pour les actrices, je voulais vraiment que ce soit très brut. Le seul effet physique qu’on ait utilisé, c’est la coupe de cheveux, qu’on a travaillée pour que ce soit des garçons, et non des garçonnes. Et puis les costumes, où l’on plaquait les poitrines, avec des renforts pour les hanches, des chaussures trop grandes.

On a cherché les silhouettes. Et je leur ai donné des exemples d’acteurs incarnant des personnages : pour Vimala Pons, c’était entre Dewaere dans Série Noire et Delon dans Plein Soleil. Mais elles allaient aussi puiser dans les garçons qu’elles avaient connus et dans leur part masculine. On a travaillé comme ça pour que ça fonctionne.

Le noir et blanc crée une unité. De la même manière, il m’aidait à créer une unité entre les séquences que je tournais en studio et en décors naturels. Et du coup, d’un point de vue financier, je me concentre sur des préoccupations d’ordre graphique, je n’ai pas à travailler les contrastes.

Que vous apporte le travail à la pellicule ?

L’avantage, c’est que c’est un support que je connais par cœur et que je trouve le résultat toujours touchant, beau – on peut se planter, hein – mais c’est toujours payant. La contrainte du tournage en pellicule me convient parfaitement. Je vis presque le tournage comme une performance : on retient notre souffle, on a droit à trois prises max. Tout le monde est concentré sur le plateau et se dit : c’est maintenant que ça se passe ; ce qui aura sur l’écran, on est en train de le faire maintenant.

Je tire parti de tout ce que nous propose la pellicule : je peux faire des surimpressions en direct, en faisant des caches, en rembobinant… C’est vraiment rudimentaire mais ça marche. Ça bave un peu, c’est pas propre, c’est qui me plaît. J’aime le truc qui se voit : ça me rassure de savoir comment c’est fait. Et puis c’est un support sensible par définition, c’est presque de l’ordre du rite magique quand j’impressionne avec la pellicule.

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