Le plus petit multiplexe du monde

Du vendredi 17 au dimanche 19 juillet, l’association A Bientôt J’espère organise au beau milieu du Trièves, en plein cœur de la forêt d’Esparron, "Les Vacances au risque du réel", un multiplexe éphémère dédié au cinéma documentaire, réunissant quarante films hors du commun. Décryptage d’une initiative passionnante qui affiche d’ores et déjà complet.

Imaginez : un endroit fascinant, méconnu et reculé, en pleine forêt, où personne ne se rend jamais ou presque. Une clairière pour bivouaquer, un ancien ermitage en ruines et une ferme/refuge situés à une dizaine de minutes de sentier et, un peu plus loin, un canyon pour se baigner. C’est ce décor improbable que l’association A Bientôt J’espère a décidé d’investir pour le transformer, trois jours durant, en un multiplexe éphémère composé de six salles improvisées pouvant accueillir chacune… entre 10 et 25 personnes. On l’imagine aisément, dans un cadre pareil, l’objectif n’est pas de projeter les derniers blockbusters hollywoodiens, loin s’en faut. Fruit d’une résidence annuelle organisée dans le cadre de Paysage > Paysages, événement culturel porté par le Département de l’Isère, Les Vacances au risque du réel se donnent au contraire pour objectif de « questionner le paysage tout en s’inscrivant à l’intérieur de ce paysage », comme l’explique Cyril Hugonnet, concepteur de l’événement aux côtés de Loïc Cloez. « Chaque année, on part toujours avec une feuille blanche : on a sillonné le Trièves, on a visité plein de lieux, rencontré plein de gens… Et à un moment, on est tombés sur Esparron et on s’est dit "wow, il y a quelque chose à fabriquer ici". C’est un endroit avec une histoire assez incroyable parce que c’est un ermitage qui a commencé vers le XVIe siècle, qui a été détruit plusieurs fois, qui a été à un moment donné assez important jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale où les Allemands l’ont détruit parce que c’était un lieu de réunion de la Résistance du Vercors. On s’est dit qu’il était possible de faire référence au lieu en utilisant les parties qui restent pour les transformer en cinéma, et offrir au Trièves son premier multiplexe. »

Six salles, cinq ambiances

Dans les six minuscules salles improvisées, des séances de durée variable vont ainsi permettre à une petite centaine de personnes de découvrir tout au long des trois jours, quelques-uns des quarante courts et longs métrages documentaires contemporains qui constituent la programmation. Une programmation répartie à travers cinq « fils » distincts, chacun portés par une thématique différente : Derrière la fenêtre, quand le paysage se dérobe fait ainsi écho aux paysages ô combien restreints dans lesquels nous ont cantonnés ces deux mois de confinement forcé, tandis que De toi je rêve toute l’année mon cher mois d’août s’attache à retranscrire le climat dans lequel baigne cette période si particulière de l’année. Autres registres encore avec Est-ce la perche à selfie qui fait le touriste ?, qui interroge non seulement notre rapport à l’altérité mais également aux images qui en émanent, ou Quand on n’est pas exactement là où on devrait être, qui se focalise sur les moments de vacance sans « s », lorsque l’on se retrouve soudain face au vide, au trou, à la fuite… Destination Esparron, enfin, propose pour sa part la découverte de quatre films et une performance en écho à « l’histoire de ce lieu improbable où s’est construit l’impossible ».

Chemins de traverse

De ce vaste panorama filmique, qui emmènera le spectateur au travers d’une quinzaine de pays aux quatre coins du globe (Russie, Irak, Syrie, Canada, Californie, Congo, Papouasie, Tibet, Pakistan… pour s’en tenir aux destinations les plus éloignées), nous n’avons bien sûr pu voir qu’une infime partie. Suffisamment néanmoins pour être bluffés à la fois par la diversité et par la pertinence des propositions sélectionnées par l’équipe d’A Bientôt j’espère, toutes fermement ancrées dans la frange la plus audacieuse et la moins formatée du cinéma documentaire, celle que l’on qualifie parfois de "cinéma du réel". Une multiplicité de regards, de tentatives et de dispositifs d’une inventivité sans commune mesure mais qui ne basculent jamais pour autant dans l’exercice de style un peu poseur, restant au contraire en permanence au service total de leurs sujets. C’est peu de dire que leur projection in situ dans le cadre d’Esparron s’annonce donc comme une expérience en tout point exaltante, qui se jouera, malheureusement, à guichets fermés. Il n’aura en effet pas fallu plus de 48h pour que la manifestation, aux jauges hautement réduites par les consignes sanitaires, affiche complet. Une prochaine fois j’espère ?

Les Vacances au risque du réel
Dans la forêt d'Esparron du vendredi 17 au dimanche 19 juillet (COMPLET)

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