«Transcrire le temps qui s'écoule»

Entretien / rencontre avec Guy Tosatto, le Directeur du Musée de Grenoble. Propos recueillis par SD

Petit Bulletin : Le paysage fait le lien entre tous les peintres de ce mouvement.
Guy Tosatto : Le paysage, c'est l'expérience de la nature et c'est l'expérience du travail sur le motif. C'était une des grandes nouveautés de l'impressionnisme que d'aller planter son chevalet, prendre le tableau, sa palette de couleurs et travailler en lien direct avec le paysage et à l'écoute des sensations, des impressions que ce paysage fait sur soi.
On sait que les artistes depuis toujours ont travaillé en extérieur, mais généralement pour faire des dessins, des croquis. Là, tous à coup, c'était la peinture directe, alors que jusqu'alors, la peinture se faisait en atelier. Il n'y a plus ce temps de latence entre l'expérience dans la nature et la transcription dans l'atelier. Là, la transcription est directe, et c'est dans ce rapport direct, presque instantané avec la réalité que la peinture a changée.
Finalement, les impressionnistes ont voulu transcrire ce temps qui s'écoulait, qui était, dans la nature, la lumière et les saisons qui changent, les phénomènes atmosphériques et climatiques. C'est à partir de cette expérience, que la manière de peindre à beaucoup bouger. Le portrait fut appréhendé de la même manière.
Oui. C'est la même expérience avec un modèle, mais plus intimiste. Jusqu'alors, les portraits étaient officiels. La figuration humaine était souvent idéalisée, on arrangeait le modèle, on lui donnait plus de caractère.
Tout à coup, avec les impressionnistes, on a un portrait de tous les jours. C'est-à-dire, que ce sont les femmes dans leurs intérieurs, leurs jardins. Et tout cela est fait d'une manière extrêmement vibrante, désacralisée, dé-historisée aussi. C'est-à-dire que l'on ne veut plus raconter une histoire à travers le portrait, on prend la personne dans sa réalité.
Et c'est une dès clés qui explique pourquoi l'art impressionniste a eu un tel succès au 20è siècle : c'est que jusqu'alors, la peinture était embarrassée d'une idéologie, d'une histoire, et tout à coup, avec l'impressionnisme, c'est un caractère naturel, proche de nous qui surgit. C'est quelque chose qui nous touche toujours. Dans l'exposition, quelle serait l'œuvre, ou les œuvres, qui vous touchent particulièrement ?
Il y en a beaucoup et pour des raisons à chaque fois différentes. Ce ne sont pas forcément les plus spectaculaires qui vont me toucher. Mais par exemple, il y a un petit paysage de Pissarro, Route près de la ferme, prêté par le musée de San Francisco, un petit format dans lequel la lumière, la composition sont d'une telle simplicité que s'en dégage une grande poésie. Cela rejoint la poésie de l'époque, je pense à Verlaine : là aussi il utilise les mots de tous les jours, des rythmes simples, légers, et il arrive à faire passer quelque chose que l'on ressent de manière diffuse, et que là, on retrouve intact.
Un autre tableau que j'aime beaucoup, c'est le portrait de Madame Monet par Renoir. Elle est entrain de lire. Là aussi, il y a une atmosphère, une sorte d'état intermédiaire entre le réel et le rêve. Comment une telle exposition a-t-elle pu voir la jour ?
Cette exposition est née dans le cadre d'une association franco-américaine qui s'appelle le FRAME (French Regional American Museum Exchange), et qui regroupe aujourd'hui 12 musées américains, et 12 musées français de région. Il y a trois ans, lors de notre réunion annuelle qui se déroulait cette fois-là à Grenoble - chaque année, on se réunit alternativement une fois en France et une fois aux Etats-Unis -, lors de cette réunion donc, nous avons lancé le projet de rassembler les tableaux les plus importants de chaque musée FRAME autour du mouvement de l'impressionnisme. Cela nous semblait particulièrement intéressant, parce que la réception de l'impressionnisme aux États-Unis et en France était très différente.

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