«Établir une patte»

Interview / artiste autodidacte, ancien élève de violon au Conservatoire, Clément Rieu s’est mis récemment à la photographie. Remarqué par les Moulins de Villancourt, il y présente “French eye (part one)”. Un œil, une esthétique, des bâtiments. L’inquiétude. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Petit Bulletin : Comment a pu se réaliser cette exposition aux Moulins de Villancourt ?
Clément Rieu : Par hasard. Dès le début de toute façon, c’est le hasard. Même si je l’ai légèrement provoqué. Mon grand-père était mourant. Il pratiquait la photographie. Je voulais lui prouver quelque chose avant qu’il parte. Donc, je suis resté devant le tiroir où était son appareil photo. J’étais comme un gosse. Je sentais qu’il y avait une poussée divinatoire qui me disait «fais-le, fais-le, prends-le, prends-le». J’ai décidé de le prendre. J’ai fait deux séries de pellicules orientées vers les bâtiments et la nuit. Petit à petit, j’ai décidé que ce serait mes thèmes. Ensuite, je me suis retrouvé à la Bifurk. Céline, qui travaille dans cette structure, m’a dit de présenter un dossier aux Moulins. Et j’y suis allé comme cela, sans me poser de questions. Et cela fait un an que je vis comme ça, sans me poser de questions, je vais tout droit.Les Moulins vous ont repéré ?
J’ai rencontré Fatima qui reçoit les dossiers. Et elle a pris des risques et moi aussi, puisque quand je suis allé la voir, j’avais 13 photos. Mais elle m’a dit : va-y. Vous êtes donc parti en voyage avec l’idée de vos photos.
Je savais que je voulais trouver des endroits d’architecture un peu spéciale : en ville à Grenoble, en Suisse ou ailleurs. Mais au-delà, de l’architecture, ce sont des lieux qui dégagent un petit quelque chose que j’essaie d’amplifier. Par exemple, la Bastille, tout le monde la connaît, mais j’ai voulu y apporter mon œil. Mon objectif était d’établir toute de suite une patte. Comme dans la musique : tous les musiciens qu’on aime, on les reconnaît entre mille. Les cinéastes, c’est pareil. Votre travail est influencé par les cinéastes d’ailleurs.
J’aime avoir peur. J’aime des gars comme Kubrick, Scorsese. Kubrick parce qu’il a une manière de filmer, d’emmener les plans. Puis avec Scorsese, je suis resté bloqué sur Taxi Driver. C’est le film que j’ai trouvé le plus violent alors qu’il n’y a qu’une seule scène de violence de trois minutes à la fin. C’est un déchaînement, on sent que c’est latent, que ça monte. Quand je faisais mes photos, je pensais au cinéma. Je me disais «tiens, il y a ça qui pourrait se passer ici». Je pouvais me raconter des histoires.On sent une présence, une subjectivité inquiétante.
C’est l’œil du pervers. J’aime bien les trucs un peu voyeur, et pourtant je ne le suis pas du tout dans la vie. En fait, j’aime aussi le cinéma des années 70, ou très souvent la caméra est très proche des gens. Comme la caméra au poing.La dernière installation vidéo, c’est quoi ?
J’ai essayé de séparer trois choses : l’entrée avec les photos de vacances, la 2e avec un œil sur des espaces, dans la 3e partie, c’est un travail que j’avais fait pour Taille mannequin, une expo proposée par Zanetti.Le cinéma, cela ne vous intéresserait-il pas ?
Oui, mais je n’ai pas le cerveau suffisamment ordonné pour dire, «je vais monter un film».French Eye (Part One)
de Clément Rieu jusqu’au 6 oct, aux Moulins de Villancourt

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