«Ce que l'on crée ici est éphémère»

Entretien / Retour avec Yves Aupetitallot, le Directeur du Magasin sur la saison 06/07, et découverte des nouveaux artistes invités et des nouvelles initiatives pour 07/08. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Petit Bulletin : Quelles observations faites vous sur la saison écoulée, en termes de fréquentation pour commencer ?
Yves Aupetitallot : En termes de public, ce ne sont jamais des objectifs quantitatifs, sinon ce serait la porte ouverte à “la culture TF1”. Mais on s'est fixé des objectifs assez simples : s’inscrire fortement dans le quartier Berriat et travailler en direction des enfants. Mais c'est vrai qu'en termes de réactions publics, on a eu cet été une augmentation sensible, alors que traditionnellement, les mois de juillet et août - y compris quand il fait mauvais – on a moins de monde. Un travail avec des associations est en cours, notamment avec Fluid Image qu'on va accueillir au mois d'octobre. Ces points au niveau local sont très importants pour nous. Après, il y a un autre objectif qui se voit moins à Grenoble, c'est l'objectif international : on s'inscrit dans la vie culturelle à l'échelle internationale. Quand on fait le bilan de l'année, on voit que l'expo de Jonathan Messe, a été faites avec Hambourg, Gavin Turk avec La Haye... Après, il y a eu les aléas d'un programme d'exposition, où toutes les expositions sont originales : il y a eu certains artistes avec lesquels j'aurais voulu travailler et qui avaient été annoncés, mais avec lesquels cela se fera finalement cette année ou dans 2 ans. Nous ne sommes pas une structure de diffusion : on crée tous les évènements et donc on est confronté aux aléas de la création. Ce qu'on verra plus concrètement lors de la saison 2007/08, c'est le travail à l'échelle régionale, je citais Fluid Image, mais notre inscription dans le Mois Américain est importante. Durant l'été 2008, une exposition vidéo - où comment la Diva est traitée dans la vidéo - sera proposée lors du Festival Berlioz de la Côte Saint-André, en complément à leur exposition consacrée à la diva.Cette saison débute avec l'artiste américain Kelley Walker. Pourquoi ?
Il y a aujourd'hui une nouvelle génération d'artistes aux États-Unis dont on a vu à Londres au mois d'octobre dernier, une exposition qui lui était consacrée. De cette nouvelle scène américaine, Kelley Walker me semble le plus intéressant.Pour quelles raisons ?
Kelley Walker renoue avec une génération d'artistes, en se repositionnant différemment. Il pratique “l'appropriationnisme”. C'est-à-dire qu'à partir de matériau existant, déjà chargé de symboles et de signes, il propose autre chose. Il se situe dans cette filiation-là. Il n'est pas du tout glamour comme la génération précédente marquée par les média, la pub ou le cinéma. C'est une exposition importante pour lui : c'est sa première exposition monographique.Dans le Rue, on verra une pièce de John Baldessari créée il y a 20 ans pour le Magasin. Pourquoi ?
D'abord, le Magasin, contrairement à un Musée, est dans une forme de fuite en avant. C'est-à-dire que ce que l'on crée ici est éphémère. La pièce de Baldessari est l'une des très rares oeuvres à ne pas l'être. C'était donc montrer un peu d'histoire du Magasin. C'est aussi intéressant de la montrer en contrepoint aux pièces de Kelley Walker : au moment ou Walker débutait ses études, Baldessari était son artiste préféré. Enfin, la troisième raison, qui est celle de départ, c'est qu'il est un enseignant très important aux États-Unis, et qu'il a eu comme étudiante Jill Miller dont on va montrer une vidéo qui est un commentaire d'une vidéo célèbre de Baldessari sur la danse. Jill Miller, artiste féministe, pose des questions sur la position de l'artiste femme et celle de la filiation, de la relation de maître à élève et là, on est en plein dedans. Cela nous fait 3 échelons où l'on va montrer tout un bout de la scène américaine en même temps.Et la venue de Tino Sehgal qui créera une pièce avec des enfants ?
Cet artiste présentera ici une pièce dans sa version 3, après Bregenz et Londres. Mais le point d'origine est français. Lorsque Tino Sehgal était au Musée des Beaux-Arts de Nantes, il a vu des enfants dans les salles. Et ce qu'il a remarqué, c'est la manière dont on voulait les sensibiliser à l'art contemporain, toujours avec de mauvaises raisons. Au fond, il a observé qu'une approche directe de l'œuvre était soit honteuse, soit difficile et qu'on essayait toujours d'emprunter des chemins de traverses. Il en a fait une pièce. On travaille en partenariat avec des groupes scolaires et des enfants dans le hors temps scolaire. Des enfants seront dans l'atelier, d'autres dans la salle d'exposition. Ceux qui seront dans l'atelier passeront dans la salle d'expo et feront tout, sauf une œuvre. Quand une personne du public entrera, les enfants auront le choix d'aller vers elle et de lui dire si c'est un succès ou un échec, c'est-à-dire d'être dans le commentaire de l'œuvre. Pour nous, c'est important de créer des nouveaux modes de relations avec les groupes d'enfants. Cela va durer quelques semaines, jusqu'en novembre. Après, on montrera dans cette même salle une sélection de vidéos sur les années 90 aux États-Unis dans le cadre du Mois Américain qui est consacré à la thématique Minimal/Maximal. Les thématiques seront très simples : comment est-ce qu' on naît, comment est-ce qu'on meurt, qu'est-ce qu'on mange, comment est-ce qu'on aime, des thématiques de vie. Ces vidéos montrent les E.U de cette époque. C'est une sorte d'échantillonnage.Quels autres artistes cette saison ?
Un artiste georgien, Pekua créera dans l'espace de la Rue. Puis, on aura une grande exposition rétrospective de l’artiste américain Allan Mc Colum dans les galeries. C'est un peu un retour sur les années 80. Pour le Mois Américain, en plus des vidéos, nous ferons une conférence au Magasin avec Frédéric Martel sur la culture aux États-Unis. Frédéric Martel a publié un livre chez Gallimard qui va contre toutes les idées reçues sur la culture aux E.U, et, vu ses opinions politiques, on ne peut pas le taxer d'atlantiste. Ce que l'on prépare également, c'est une exposition de Noël.C'est-à-dire ?
C'est un peu à l'image de ce que font les allemands et les suisses allemands. Une fois par an, nous proposerons une sorte de concours ouvert à tous les artistes qui sont nés dans le Région Rhône-Alpes, ou formés dans la Région, ou qui travaillent dans le Région. Ce sont les 3 critères pour candidater. Il y aura un jury composé de professionnels de la Région et d’ailleurs. Ce jury va faire un choix d'un certain nombre d'artistes pour une exposition, et parmi ceux choisis, il y aura un prix décerné. La première aurait lieu au mois de décembre. C'est une manière d'aider les artistes...
Et de faire apparaître une scène régionale. Je dis régional, mais non régionaliste. En tout cas, ce seront des gens qui ont une attache à la région. Cela permettra de montrer l'importance de la scène régionale. Dans la Région, vous avez 3 musées importants proposant de l'art contemporain, 2 centres d'art importants, 5 écoles d'art, et une myriade de structures, qui vont du squat jusqu'à la galerie commerciale, en passant par beaucoup d'initiatives associatives, comme Lia, Vog, Oui... On aura à un moment donné de l'année, un rendez-vous entre institutionnels, non-institutionnels, artistes et autres personnes travaillant dans le domaine de l'art.

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