gavin turk / L’exposition Negotiation of Purpose de l’artiste britannique caméléon et adepte d’une salubre auto-dérision, ne manque pas de malmener sainement le visiteur en interrogeant sur la place et l’importance de l’art. SD
On reconnaît les traits de Gavin Turk en haut de la silhouette du chanteur des Sex Pistols, Sid Vicious. Mais la posture, bras levé et l’autre légèrement en retrait, évoque celle d’Elvis. La posture est par ailleurs perturbée par un pistolet que la silhouette découpée tient en main et pointe sur le visiteur : cette photographie à hauteur d’homme, un autoportrait de Turk incarné dans deux figures iconiques et antinomiques et intitulée Pop Up, est placée en guise de chaleureux accueil avant l’entrée dans la première salle. Pop Up délivre déjà la part d’ambiguïté qui se déploie tout au long de cette jubilatoire, questionnante, surprenante, salubre exposition Negotiation of Purpose (Négociation sur l’objectif). Turk, n’hésite pas à pousser le visiteur à se questionner sur sa manière de regarder l’art, sur sa capacité à déceler le vrai du faux ; Turk prend par surprise, joue au bad guy, se rebelle contre l’art, tout en lui rendant un hommage poussé. À travers une quarantaine d’œuvres issues de ses 15 dernières années, Gavin Turk, jeune artiste né en 67, s’interroge sur l’intérêt, la place, la valeur, l’authenticité même de l’art, donc, intrinsèquement sur la place et le rôle de l’artiste. Turk ne cesse, dans un même élan, de rendre hommage à ses artistes de prédilection, aux courants appréciés, tels que entres autres, le surréalisme, le minimalisme, le dadaïsme. Turk de magieL’artiste, un rien manipulateur, met en scène l’exposition et se met en scène. Passé Pop Up, on tombe nez à nez avec des sacs poubelles noir, les premiers trompe l’œil : les sacs sont des sculptures en bronze peint aux “draperies” parfaites, et la vision soulève bon nombre de questions. L’œuvre The Negociation of Purpose qui donne son nom à l’expo, est une table sur laquelle tourne indéfiniment un couteau, suspendant le temps et les possibles, et provoque une forte sensation. Turk aime se cacher, prendre les traits d’autres personnages. Il est le marin Gentleman Jim, sculpture en cire sous vitrine, au rire sardonique et évoque l’Angleterre conquérante. Il est Elvis dans la sérigraphie Elvis Beige, Warhol dans l’extraordinaire sérigraphie Camouflage Fright Wig Orange and Grey, il est Beuys, il est le Che, il perd son identité, se coule dans d’autres signatures, il joue et se joue de nous. Parmi les œuvres marquantes, on retiendra Oi !, trois photographies où Turk, saisi dans la même position qu’Elvis est habillé en clochard. Turk portait ces mêmes vêtements lorsqu’il se rendit à la fameuse exposition londonienne Sensation. Avec Pimp, une benne à ordure noire cirée très classieuse, le message est clair d’emblée. Enfin Nomad, un sac de couchage sale, est une sculpture en bronze. L’ironie triste et dénonciatrice est larvée dans chacun de ses gestes. Negotiation of Purpose de Gavin Turk, jusqu’au 2 septembre
