Le temps des images

exposition / Lieu légèrement isolé du Musée, la Tour de l'Isle s'avère fort appropriée pour cette exposition de 50 photographies choisies par Guy Tosatto dans le fonds de l'Artothèque. De ces travaux très divers, allant des années 50 à nos jours, émanent pourtant une sensation de nostalgie, une impression d'intimité, de solitude. SD

Globalement, le découpage de l'exposition est chronologique ; et les regroupements de certains clichés s'avèrent judicieux. Dans une première salle, les très connus clichés de Doisneau, s'entourent de photographies vraiment prenantes, telles que Les Yeux fermés de Claude Batho, une ombre enfantine collée contre un rideau se perd dans la pénombre ; jouxtant celle-ci, La Petite Fille aux feuilles mortes d'Édouard Boubat, une enfant de dos arborant un manteau de lierre. Mises côte à côte, les images se répondent : les visage d'enfants y sont absents. Cette salle réunit des photographes dits "humanistes", s'attachant à saisir la poésie dans les gestes du quotidien.Des signatures exceptionnelles comme celle de Raymond Depardon (né en 42) dévoilent des paysages new-yorkais émouvants. New York encore, avec Mini Gang de William Klein (né en 1928), un visage menaçant d'enfant semble défier le monde ; sur une autre photo de Klein, un autre visage d'enfant inexpressif se dessine à travers une affiche de cinéma déchirée. On s'étonnera aussi du rapprochement de trois clichés. Au centre, une photo de Bernard Plossu (né en 1945), Mexico City, offrant une sensation de collage. On y voit un genou, une journal, une femme allongée ; à sa gauche une photo autobiographique de Denis Roche (né en 1937) intitulée 30 juillet 1972, Propriano, Corse, Hôtel Marinea, chambre 21, cliché très cinématographique, où à l'avant-plan, en ombre, on devine le photographe ; face à lui, sa femme assise le regarde. Puis, à droite du Mexico City, de nouveau une chambre d'hôtel de Denis Roche mais prise à Orléans. Une forte sensualité diffuse se déploie de cet ensemble.On s'arrête également devant les deux seuls clichés en couleurs de l'expo : ceux de Bernard Faucon (né en 1950). Le Petit Canif, un adolescent, - on ne sait s'il est mort ou parti dans une rêverie profonde -, est mis en scène par le photographe dans une chambre jonchée de pelures de fruits. Sacrifice ? Rituel ? Son autre cliché, intitulé La Cène, semble prolonger la première énigme. Les surprises viennent encore de deux clichés de l'écrivain Hervé Guibert (décédé en 1991), qui utilise la photo pour saisir son intimité. Le dos de Guibert se courbe sur un bureau, alors que la vent soulève des rideaux blanc diffusant une lumière christique. Les rideaux sont ensuite photographiés enveloppant un bouquet de fleurs. La mort rôde d'une image à l'autre. Un autoportrait très sauvage de Daniel Appelt, artiste proche de Josef Beuys, saisit. Aussi étrange qu'ambigu, l'autoportrait flou du jeune portugais Jorge Molder est tout près : son geste perdu dans un brouillard évoque un baiser, ou le geste pour fumer. Mais ces arrêts sur image ne sont qu'un aperçu des merveilles que contient l'exposition ; exposition qui n'est aussi qu'un aperçu de l'étonnante collection de l'Artothèque.L'Artothèque de Grenoble a 30 ans ! Un choix de photographies jusqu'au 18 mars au Musée de Grenoble

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