Des hommes et des pingouins

57 pingouins. Ou un instant particulièrement inaugural dans le travail de Stephan Balkenhol. Quand il conçoit en 1991 cette sculpture aux 57 particules, ce n’est pas la première fois qu’il s’intéresse à la figure animale (il sculptait déjà des lions en 1983), mais son bestiaire nous semble prendre là une autre envergure : comme échapper à son créateur. Sur son goût pour nos amis les bêtes, il nous confie qu’il a « toujours sculpté des animaux. On a tendance à projeter des caractères et attributs humains sur l’animal, à moraliser la façon dont les animaux vivent. Pour ma part, je cherche à me mettre en rapport avec lui, j’essaye d’en faire véritablement un portrait, de le regarder, de l’observer, comme je le ferais pour un homme. » Chacun des pingouins représentés ici a sa propre pose, niant l’uniformité du groupe induite par notre méconnaissance de ce petit peuple noir et blanc. Il faut bien une salle entière à l’œuvre pour s’installer, respirer et se laisser regarder : ainsi le visiteur peut déambuler en son sein – l’œil attiré par tel ou tel pingouin – ou embrasser l’assemblée d’un regard. Mais il ne manquera pas de remarquer la similarité des attitudes des sculptures avec celle des hommes : quand l’on ne projette pas l’effet de notre propre comportement, mais que l’on entreprend de s’en tenir au langage corporel de l’animal, c’est dans cette charnière que les ressemblances se font les plus apparentes, les plus multiples et les plus vives. En cela, 57 pingouins est une œuvre édifiante et fondatrice : fruit d’une démarche dénuée de tout jugement en décalé de la nature humaine, elle ne nous en offre un aperçu que plus juste. En sa qualité de sculpture d’animaux parmi les très nombreuses figures proprement humaines, archétypales et répétitives de Stephan Balkenhol, elle se fait l’insouciant réceptacle des résidus d’humanité interdits aux corps humains de cet artiste éminemment humaniste, fût-ce à l’insu de son plein gré. LG

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