Un festival : oui, mais pourquoi ?

Roland Orepük, à l’origine du projet de Festival international d’art non-objectif, nous explique de quoi il retourne. La démarche est claire, le propos sensé, et le tout pas si compliqué qu’il n’y paraît. Propos recueillis par Laetitia Giry

Petit Bulletin : Pourquoi ce festival d’art non-objectif ?
Roland Orepük : Je connais tous les autres artistes, de visu ou via internet, on échange des mails et des idées par l’intermédiaire de divers réseaux. Cette idée me trotte dans la tête depuis un moment, je l’ai proposée à plusieurs reprises dans le département, aux collectivités – ce qui a toujours été une fin de non recevoir. J’ai eu la chance de tomber sur une nouvelle équipe à Pont de Claix [dont la municipalité cogère les Moulins avec celle d’Échirolles, ndlr] qui, d’une part, m’a fait confiance, et d’autre part, a joué le jeu. L’un des intérêts de ce festival est qu’il constitue une première en France, où il n’y a encore jamais eu d’équivalent – qui soit véritablement international. Si cela perdure, on peut devenir la plateforme de l’art non-objectif en France.Existe-t-il d’autres manifestations de ce type ailleurs ?
Oui, le Und, qui est un concept inventé par Tilman et Billy Gruner [exposés dans l’expo, ndlr]. Ils se sont aperçus qu’il y avait des groupuscules un peu partout (Pays-Bas, Suisse, Etats-Unis…) qui travaillaient dans cet esprit mais chacun dans son coin, sans relations réelles. Ils ont voulu essayer de fédérer en créant ce Und, qui est une manifestation ayant lieu une fois par an, chaque fois dans un pays différent, et toujours sans moyens : un lieu, mais pas de catalogue. On aurait pu faire Und ici, mais ce n’était pas l’intention. Il existe, pas besoin d’en faire un second.Comment justifiez-vous l’appellation « festival » ?
J’avais proposé l’idée d’un festival en pensant en faire une manifestation annuelle, il semblerait que, pour des raisons budgétaires et autres, le projet se transformerait plutôt en biennale. Ce qui n’est pas plus mal. Une biennale est plus facile à organiser qu’un festival car on a plus de temps.Les artistes se réclamant du mouvement d’art non-objectif défendent paradoxalement le fait qu’ils ne font pas véritablement partie d’un mouvement…
Oui, si on était un vrai mouvement, on serait regroupés soit autour d’un manifeste avec un maître à penser, soit autour d’une revue : ce qui n’est pas le cas. Les artistes travaillent dans leurs coins, mais tentent de se retrouver, de s’inviter, et se déplacent ainsi d’une plateforme à l’autre pour partager.Vous êtes finalement peu nombreux à pratiquer l’art non-objectif, ce qui peut paraître étonnant…
C’est que les gens ont besoin de repères culturels. Le terme de non-objectif ne date pas d’aujourd’hui. Dans les années 1930, Theo van Doesburg l’utilisait déjà dans un manifeste ; ensuite le terme a été abandonné au profit d’art construit pour l’Europe du nord, d’art concret pour l’Europe du sud, des réalités nouvelles en France. Les artistes d’art non-objectif sont des gens qui arrivent après l’art minimal et qui sortent de la tradition de l’art concret ou construit, qui reste une peinture, non pas vraiment figurative, mais avec tout du moins une figure inscrite dans un format. On est complètement sortis de cette histoire, donc on se situe après le minimalisme, mais sans être du post-minimalisme. Notre dénominateur commun : être sorti et de la figuration, et de l’abstraction. Ce qui nous lie, c’est peut-être plus un travail sur la couleur pour certains, ou sur la forme pour d’autres. C’est un dépassement de la peinture de chevalet, des tableaux. En ce qui concerne vos propres œuvres…
Dans le mouvement non-objectif, je me situe plus dans la branche réductiviste. Ce qui s’assimile à la réduction des moyens : en faire le moins possible pour le maximum, enfin c’est que je tente. J’ai une attitude assez artisanale : j’attache beaucoup d’importance à montrer les choses telles qu’elles sont faites, sans cacher la réalisation. Le travail autour du matériel m’intéresse. J’ai par exemple des toiles que j’expose à l’envers, de manière à en découvrir le châssis.

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Expos...

Vendredi 22 avril 2022 Il y a deux ans, on avait découvert le travail de Marion Massip et on avait été plutôt emballés par la poésie qui émane de ses photos du trois fois rien. En effet, (...)
Vendredi 22 avril 2022 Avec l’exposition "Fait main, quand Grenoble gantait le monde" le musée Dauphinois revient sur une aventure locale de prestige international, celle de la ganterie grenobloise. Un parcours remarquable, riche de nombreuses pièces de collection et...
Lundi 28 mars 2022 Formée au Beaux-arts de Kyoto, Martine Rey s’est fait une spécialité de la laque, qu’elle décline de maintes manières ; Pierre Gallais, quant à lui, nourrit (...)
Lundi 28 mars 2022 Ce n’est pas tous les jours que la collection permanente du musée de Grenoble s’enrichit d’une œuvre nouvelle. En l’occurrence, un tableau du XVIIe siècle, signé du trop méconnu Reynaud Levieux, qui a bénéficié pour l’occasion d’un travail...
Mardi 15 mars 2022 Au fusain et à la pierre noire, Séverine Martinez dessine l’enfance. Un style classique et une technique impressionnante, à voir à la 1-10 Galerie, rue Marx-Dormoy à Grenoble.
Vendredi 11 mars 2022 Avec sa série "Gudi Dakar", Mabeye Deme propose une fascinante exploration photographique de la vie nocturne dans les boutiques dakaroises. Un travail remarquable à découvrir à la galerie Ex-Nihilo.
Mardi 15 février 2022 Les amateurs de surréalisme doux pourront éventuellement être séduits par les peintures de Tof Vanmarque exposées à la galerie Hébert. Peuplées de personnages étranges (...)
Mardi 15 février 2022 Autodidacte grenoblois, Nuvish n'a jamais eu jusque-là, dans la cuvette, d'exposition qui lui soit intégralement consacrée. La galerie Alter Art (qui a pour (...)
Mardi 15 février 2022 D’une grande cohérence et formellement très séduisante, la série photographique que Jean-Pierre Saez expose à la galerie Ex Nihilo est le fruit d’une approche conceptuelle qui ne renie pas le plaisir du regard.
Lundi 31 janvier 2022 Intitulée Stencil, une scène engagée, la nouvelle exposition de l’espace Spacejunk réunit des artistes qui ont pour point commun de balancer quelques (...)
Lundi 31 janvier 2022 Avec Yellow Collection, l’espace Vallès ne nous trompe pas sur la marchandise : l’artiste Roland Orépük y expose une série de tableaux dont la géométrie minimale est intégralement construite à partir d’aplats jaunes.
Mardi 18 janvier 2022 Voilà une exposition passionnante pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire de sa ville et à son urbanisme (tout le monde non ?). Prétextant (...)
Mardi 18 janvier 2022 Tandis que les stations de ski se remplissent (plus ou moins) de touristes, la galerie Alter-Art nous invite à aller voir ce qui se passe en hiver du côté (...)
Mardi 4 janvier 2022 Habitué à coller ses œuvres dans les rues, l’artiste Cobie Cobz expose ses affiches aux messages surprenants à la galerie SpaceJunk. Il se questionne (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X