Tirer à la ligne

À l’occasion des trois expositions présentées au Musée de Grenoble, on a rencontré Guy Tosatto, le maître des lieux, pour évoquer avec lui plusieurs sujets d’actualité touchant de près son établissement. Magnéto. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Oui, c’est la crise, tout le monde est au courant. Et en cette période d’incertitudes prolongée, la culture n’est pas forcément en odeur de sainteté. Le contexte isérois est à ce titre un exemple probant d’un certain malaise, les acteurs culturels du département (principalement dans le domaine du spectacle vivant) étant fortement mobilisés contre des pouvoirs publics jugés démissionnaires – le conseil général en tête (même si la situation s’est récemment décantée, le département ayant en partie rattrapé ses baisses de subventions pour la plupart des structures – sauf pour celles de la MC2, de la Chambre Philharmonique ou encore des Musiciens du Louvre). Le constat est-il le même au Musée de Grenoble, mastodonte local au rayonnement national ? « Les inquiétudes sont là, comme pour tout le monde » explique le directeur Guy Tosatto, qui l’assure : « le monde des musées est aussi touché. Je n’ai encore jamais rencontré de collègue qui ne me dise pas qu’il a des problèmes soit de réduction budgétaire, soit de réduction d’effectifs. C’est donc un phénomène général, à la fois d’ampleur nationale et internationale. Je rentre des États-Unis, et je vous assure que mes collègues américains dont les établissements sont à 90% – voire 100%  – financés par le secteur privé passent de mauvaises heures… pour ne pas dire de très mauvaises années. » Sur les problématiques locales, il se veut attentif. « Évidemment, à Grenoble, il y des réductions budgétaires qui sont en partie dues à la crise économique : le conseil général, c’était jusqu’à il y a quelques années, un quart de notre budget total. Mais ces réductions sont aussi le résultat de choix, ceux de couper dans le budget de la culture. Alors que des chemins différents pourraient être empruntés. »

Tous ensemble

Conséquence, le Musée de Grenoble n’organise plus d’exposition d’été – l’un des trois temps forts de l’année – depuis deux ans. Décision suffisante pour retomber sur ses pieds ? Pas sûr… Car on se demande aussi si le marasme généralisé n’a pas d’influence sur le mode de fonctionnement du musée à l’année, la saison actuelle pouvant être vue a minima comparée aux fastes de la précédente, boostée par l’effet Chagall. « Je vous invite au printemps à découvrir notre éclairage sur Die Brücke [premier mouvement d’avant-garde allemand, précurseur de l’expressionnisme – NdlR], vous verrez que ce ne sera pas un petit évènement ! » répond Guy Tosatto, en reconnaissant tout de même que cette exposition n’aura sûrement pas la même portée que celle sur Chagall. Cette dernière n’a d’ailleurs pas été financée par le seul Musée de Grenoble tient-il à préciser, mais fut le fruit de nombreux partenariats nationaux – le Centre Pompidou en première ligne – et internationaux.

Anticipation

On le questionne sur un autre sujet : la récente acquisition par le musée d’une œuvre de Giuseppe Penone pour 160 000 euros. En ces temps de crise, certains se sont émus du prix. La municipalité, qui a donné son accord en octobre dernier, a publié un communiqué pour expliquer sa décision : « ce budget d'acquisition, modeste par rapport à celui d’autres musées, est stable depuis plusieurs années mais a pu bénéficier de moyens supplémentaires grâce au mécénat » (un Club des mécènes a vu le jour en 2010). Guy Tosatto justifie quant à lui cet achat par l’absence de l’artiste italien dans les collections du musée, par le fait que l’œuvre reste abordable (« on a traité directement avec l’artiste, sans commission de la part d’un galeriste, pour une pièce très loin du prix de celles des Jeff Koons et autres ») et par le devoir de toujours avoir une politique culturelle ambitieuse et éclairée, même dans les périodes les plus difficiles. Il prend ainsi l’exemple du fameux Gauguin dévoilé en ce moment même, que le Musée de Grenoble a acquis seulement cinq ans après la Première Guerre mondiale, et qui est maintenant l’un de ses joyaux. On peut aussi évoquer les politiques menées par les différents directeurs du musée depuis sa fondation en 1798, qui ont ainsi permis la constitution du fonds de dessins présenté en ce moment. Et même si ce n’est pas forcément très funky à première vue, ce travail est salutaire pour l’histoire de l’art.

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