Éric Bourret : « Je me considère comme un piéton d'altitude »

Et si ce n'était pas la mélancolie

Musée Géo-Charles

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Parmi les photographes participant à l’exposition "Et si ce n’était pas la mélancolie", on trouve (et on aime particulièrement) Éric Bourret. Ses deux œuvres montrées ici, captivantes et mystérieuses, méritaient bien une petite discussion.

Vos photographies sont le fruit d’une sorte de performance…

Éric Bourret : Je suis un photographe marcheur, je fais œuvre sur le paysage à l’issue de mes traversées des Alpes du sud, des zones de littoral, ou d’une partie de la chaîne himalayenne (comme pour les deux photos exposées).

Plusieurs mois par an, j’arpente ces terres sur une durée qui varie entre une journée et deux mois. Des images émergent grâce ou à cause de la relation que j’entretiens pendant une longue période avec le paysage. Sans compétition ni surenchère sportive, je me considère simplement comme un piéton d’altitude. Je fais ce que font énormément de gens, je marche, car j'en ai besoin pour que mon travail puisse se mettre en place.

Ainsi, vous capturez en photo un temps que vous éprouvez dans la réalité, dans l’action de la marche ?

Ce qui me fascine, c’est la capacité que peut avoir l’image photographique d’enregistrer du temps. Sur certaines séries (notamment Timescape), j’essaie de multiplier le temps plutôt que de l’arrêter une fois. Pour cela, j’ai mis en place un protocole, celui de réaliser un certain nombre de prises de vue sur le même négatif : une sorte de mille-feuilles temporel accumulé sur une même image. Donc sur le moment, j’ai une idée de ce que je fais mais je ne peux pas le voir avant le développement.

Bien sûr, je pourrais superposer les prises de vue avec Photoshop, mais ce n’est pas cela qui m’intéresse, c’est de le faire sur le terrain, sans repentir possible. Cela revient à flirter avec le hasard tout en le maîtrisant – puisqu’il peut toujours se passer des choses inattendues. C’est comme un peintre qui mettrait des coups de pinceau sur une toile.

Vous avez ainsi le sentiment de photographier du mouvement plus qu’une image statique ?

Oui, c’est comme si ça ne s’arrêtait jamais, comme si on laissait une caméra ouverte et que le flux pouvait passer. Il est important de pouvoir se rendre compte à la fois de l’épaisseur et de la fugacité du paysage. Car un paysage est un corps vivant ; il y a un télescopage temporel qui se fait entre la métamorphose d’un être humain (60-80 années) et celle d’une montagne, qui va durer des millions d’années.

Avec Timescape, on est face à un objet que l’on reconnaît, que l’on peut appréhender : on voit une montagne mais qui est aussi autre chose, qui fuit. La photo montre ce qui est inhérent à tout corps vivant : sa modification permanente, sa mutabilité.

Vos œuvres, monumentales dans leur format, sont présentées d’une manière très particulière, pourquoi ?
C’est que l’image est aussi une histoire de monstration et de mise en espace. Le fait de faire des grands formats (130 sur 160 cm pour l’une et 150 sur 180cm pour l’autre) permet au lecteur de s’investir totalement dans l’image, d’être absorbé par elle.

Quant au dispositif, il est simple : mes photos sont montées sur un châssis en bois puis comprimées sous diasec [une sorte de plastique ressemblant à une vitre, ndlr]. Ce châssis permet de désolidariser l’image du mur, qui devient un objet… On se rapproche de la peinture, l’œuvre devient un tableau photographique. On dirait que la lumière vient de l’intérieur de l’image, comme un caisson lumineux. La réflexion (dans le sens du reflet) amplifie la profondeur et la densité de l’image.

Comment vous situez-vous par rapport au thème de l’exposition, cette interrogation sur la présence (ou l’absence) de mélancolie ?

Comme le dit Denis Roche : il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour. La photographie en est une. Et la mélancolie n’est pas antinomique de l’amour…

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