Gilbert et George, gentlemen provocateurs

Gilbert & George avec Obey, Shepard Fairey

Espace Vallès

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Exposition / Le monde ne peut échapper à leur regard critique : que ça soit à travers des photomontages ou des sérigraphies, leurs arts tendent à divulguer un message engagé similaire. Gilbert et George, duo britannique en activité depuis plus de 40 ans, et Shepard Fairey, street artist des années 1990, envahissent actuellement l'Espace Vallès. Deux expositions en une, pour deux portraits et une visite. Et au commencement, Gilbert et George.

Les années 1960 ouvrent une décennie féconde pour l'art contemporain : l'Arte Povera en Italie, dont le Musée de Grenoble dévoile la sensibilité avec l'actuelle exposition de Giuseppe Penone, le Pop Art avec la figure de proue Andy Warhol, l’apparition des premières œuvres du Land Art... Dans ce sillon, l'arrivée d'un duo pour le moins saugrenu donnera les bases d’une nouvelle mouvance : le Body Art.

Gilbert Proesch (ou Prousch), né en 1943 dans les Dolomites en Italie, et George Passmore, né en 1942 à Plymouth en Grande-Bretagne, se rencontrent en 1967 à la Saint Martin's School of Art de Londres. Ils exposent rapidement ensemble et décident, d’une seule et même voix, que leur vie comme leur partenariat plastique seraient indifférenciés, donnant à chacun de leurs actes une puissance artistique. Ils déclarent d’ailleurs être « deux personnes mais un seul artiste », s’affirmant ainsi plus comme une entité qu’un couple de plasticiens.

Leurs activités quotidiennes deviennent des exercices de style, comme fumer ou boire, mais c’est en usant de leurs voix qu’ils se font réellement connaître. Intitulée Underneath the Arches, cette performance réalisée en 1969 voit le tandem, recouvert de peinture dorée, chanter durant des heures. Cette action rend compte d’une métamorphose de la performance, qui depuis ses débuts dans les années 1950 était seulement un acte mené individuellement dans un lieu précis. Prenant leur corps comme sujet de la performance et matériau de la création, Gilbert et George deviennent des sculptures vivantes et entrent dans l’ère du Body Art.

The British touch

Sculptures vivantes en galerie comme dans le quotidien, les deux artistes mettent leur vie en scène déclamant : « on ne veut pas voir l’art, seulement la vie », « on ne va pas au musée, c’est contre notre religion ». Les bases sont jetées : dans un Londres pour le moins puritain, Gilbert et George secouent les petits bourgeois de quartier et réalisent dès 1971 leurs premières photographies sur le thème de l’alcool, du deuil, de la déchéance, de l’homosexualité ou encore de la religion. Avec un certain humour, ils vont démonter les tabous de leur temps, de leur société dont ils reprochent la vision fermée.

Leurs corps véhiculent leur pensée, autant pour les sculptures vivantes (une démarche qui prendra fin en 1977) que pour les photomontages. Ils marquent d'ailleurs une nouvelle fois l’histoire de l’art avec leurs photomontages déstabilisant le discours de la photographie qui devient alors conceptuelle, avec un médium ne servant plus à représenter fidèlement le réel. Leurs visuels sont des compositions de leurs propres images mélangées à d’autres collectées, dont les premières productions sont principalement en noir, blanc et rouge.

En 1985, leur palette évolue et les couleurs apparaissent plus violentes et contrastées afin de souligner la dureté de leur propos. Au-delà de la thématique du corps qui leur sert de représentation sociale, les deux artistes utilisent également les liquides vitaux comme l’urine, le sang ou le sperme : autant de métaphores des problématiques qu’ils dénoncent.

Punk en tweed

Volontiers provocateurs, distillant une vision dérangeante d’une société contemporaine à la dérive, les deux artistes poursuivent, à ce jour encore, leur travail de photomontages qui ne perd rien de son mordant. Ce n’est cependant pas tellement le visuel qui est agressif, malgré des images abruptes qui vont droit au but, mais plutôt le binôme dont les déclarations, au sujet du Pape par exemple sur sa prise de position concernant le préservatif (« il devrait être traduit en justice comme Milosevic »), donnent une résonnance encore plus forte à leurs travaux.

Et c’est là toute l’efficacité de Gilbert et George : des paroles cinglantes, lancées calmement dans d'impeccables costumes à carreaux. À plus de 70 ans, ils agitent encore la scène internationale de l’art contemporain. Leurs tableaux photographiques s’affichent comme une prolongation de leur performance, les artistes continuant à se mettre en scène au centre de leur art pour traiter des sujets épineux. En partant à leur début d’une « tabula rasa » totale, acte pour le moins radical, ils ont fini par construire un style et un genre bien à eux, tout en refusant d’être artiste. Une collaboration qui pourtant alimente l’histoire de l’art, du Body Art aux photomontages, toujours avec cette même voix virulente, de la fin des années 1970 au début du XXIe siècle.

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