"Hibakusha, dessins des survivants d'Hiroshima et de Nagasaki" : voyages au bout de l'enfer

Hibakusha, dessins des survivants de Hiroshima et de Nagasaki

Musée de la Résistance et de la Déportation

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Exposition / En ouverture de l'année du Japon en Isère, le Musée de la Résistance propose une exposition rassemblant des dessins-témoignages réalisés par les survivants des bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki en 1945. Poignant.

1974, Japon. Inspirés par un dessin du bombardement d'Hiroshima qui leur avait été envoyé, les responsables de la chaîne de télévision japonaise NHK lancent un appel à témoignages auprès de celles et ceux qu'on appelait désormais les Hibakusha – littéralement « victimes de la bombe ». C'est ainsi que débute une collecte de dessins-témoignages qui s'achèvera en 2002 et dont l'intégralité est exposée de façon permanente au Musée du Mémorial de la Paix à Hiroshima.

2017, France. Après avoir puisé parmi les 3 600 dessins de cet ensemble remarquable, les Archives nationales et le Centre Joë Bousquet et son temps – Maison des Mémoires, situé à Carcassonne, réalisent la magnifique exposition Hibakusha, dessins des survivants d'Hiroshima et de Nagasaki. Déjà présentée dans d’autres villes, la voilà installée depuis mi-juin au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère. Construite comme une chronique de ces jours funestes, elle réunit une cinquantaine de dessins impeccablement reproduits (les originaux ne quittent pas Hiroshima) afin de raconter, heure après heure et du point de vue des victimes, ce qu’il s’est passé sous et après le champignon atomique : l'explosion, la pluie noire, la recherche désespérée des proches, la mise en place des soins d'urgence face à des blessures d'un nouveau genre… Mais aussi le retour à la vie – les écoles ont par exemple rouvert pour la rentrée, un mois après la catastrophe.

Chronique du désastre

« Horrifiant et ineffablement beau » : c'est ce que rapporte un des témoins à propos de l'éclair lumineux qui déchira le ciel d'Hiroshima le 6 août 1945. C'est exactement les termes qui conviennent pour décrire ce que l’on peut ressentir à la découverte de cette exposition. Expressionnistes, illustratifs, documentaires, magnifiquement abstraits, résolument synthétiques ou éminemment poétiques, les dessins présentés offrent de multiples points de vue subjectifs dont la diversité expressive permet au visiteur d'envisager l'ampleur du désastre qui lui est donné à voir.

Aucune série photographique ne pourrait offrir autant d'informations et d'émotions tant nous serions embarrassés par la sidération morbide que nous tenterions de refréner. L'interprétation graphique permet ici une prise de distance qui rend les images soutenables, et peut-être même plus prégnantes car inscrites au plus profond de la mémoire des témoins – les collectes ont eu lieu minimum trente ans après les faits. Le dessin, cet art ancestral du trois fois rien, prend alors une force considérable qui vient défier celle de la technologie destructrice, rappelant que toute création est à la fois acte de résistance et force de vie.

L'histoire des anonymes

Ces témoignages artistiques, systématiquement accompagnés d'informations contextuelles (lieu, horaire, âge de l'auteur), sont l'occasion pour les survivants de s'exprimer librement sur ce qu'ils ont vécu. Alors que jusqu'à la fin des années 1960, ils n'avaient été que peu entendus pour différentes raisons que l'exposition rappelle : la censure américaine a interdit tout témoignage public jusqu'en 1952 et le récit officiel véhiculait l'idée que la bombe avait désintégré toutes personnes se trouvant sous sa zone d'implosion – les images de villes intégralement soufflées par l'explosion allaient dans ce sens.

Or, s'il y eut bien instantanément 80 000 (Hiroshima) et 35 000 morts (Nagasaki), des chiffres bien sûr incertains, le nombre de victimes des conséquences de la bombe est tout aussi considérable que difficile à évaluer précisément. C'est finalement, comme souvent avec les moments traumatiques de l'histoire, une bonne génération après que le sujet a pu être abordé et débattu dans la sphère publique. À mille lieues des discours officiels teintés de gloriole patriotique ou de stratégies militaires, ces anonymes racontent la guerre du point de vue des principaux intéressés, à savoir les victimes. Réunir ces dessins est le plus bel hommage que l'on puisse leur faire, car ici, au-delà de toute idéologie, c'est bien l'humain qui est au cœur du propos.

Hibakusha, dessins des survivants d'Hiroshima et de Nagasaki
Au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère jusqu'au lundi 22 octobre

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