"Cappiello ou l'art publicitaire" : l'art de captiver les foules

Cappiello ou l’art publicitaire

Maison Bergès, musée de la Houille Blanche

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Graphisme / Aussi esthétique que didactique, l’exposition de la Maison Bergès consacrée à Leonetto Cappiello propose une plongée passionnante dans l’univers créatif de ce génial affichiste d’origine italienne qui, au tout début du XXe siècle, imposa un style conciliant efficacité publicitaire et singularité artistique.

Habitués des images publicitaires pondues à la chaîne par des stratèges du marketing dont la créativité est anéantie par l’injonction à anticiper les tendances, nous oublions parfois que la publicité fut un temps un véritable art que beaucoup d’artistes appréciaient d’investir, à la fois curieux d’explorer un nouveau média et désireux de s’adresser au plus grand nombre. En effet, avec l’essor de l’industrialisation à l’aube du siècle dernier, les villes grouillent littéralement de monde et l’opportunité de dessiner une affiche est l’assurance pour certains qui le souhaitent de créer un art à destination des masses populaires (et de s’éloigner des salons bourgeois).

Grâce à quelques éléments théoriques et documents photographiques introductifs, l’exposition Cappiello ou l'art publicitaire resitue très bien ce contexte singulier qui permet à Leonetto Cappiello, dessinateur autodidacte fraîchement installé à Paris, de décrocher de nombreux contrats. Rapidement, cet affichiste d’origine italienne met en place des "trucs" qui lui permettent de s’imposer visuellement. Le systématique fond noir sur lequel se détache ses personnages les isole de la jungle graphico-visuelle que constituent alors les murs d’affiches, l’usage de couleurs franches, souvent complémentaires valorise son sujet, et enfin, l’idée, totalement nouvelle pour l’époque, de ne pas présenter le produit dont il fait la promotion mais de l’associer à une figure symbolique attrayante, permet de susciter la curiosité et l’adhésion du public. Des choix singuliers que l’exposition s’attache à mettre en avant par son accrochage et la mise en exergue de témoignages d’époque très instructifs (et parfois assez drôles).

Créativité et efficacité

Une fois posées ces règles qui lui permettent d’assurer l’efficacité commerciale de ses affiches, Cappiello peut laisser libre cours à sa créativité et à son immense talent de dessinateur. En faisant le choix judicieux de mettre en avant le processus de production qui lui est propre, l’exposition permet d’en prendre la pleine mesure. Sont présentées, pour certaines affiches, les quatre étapes nécessaires à leur confection : le dessin préalable, l’esquisse à la gouache, une photographie de cette esquisse (que l’affichiste retouchait directement en dialogue avec le client) et enfin, la maquette à l’échelle 1 qui faisait office de bon à tirer. Bien que travaillant au service de ses commanditaires et répondant à un cahier des charges précis, Cappiello développe un univers personnel peuplé de toutes sortes de saltimbanques grotesques inspirés par la culture populaire, la mythologie ou l’histoire.

La dernière salle de l’exposition en témoigne magnifiquement. On y trouve pèle-mêle un père Lustucru coiffé d’une toque aux allures de turban oriental, un Gambrinus (qui est à la bière ce que Bacchus est au pinard) brandissant une choppe débordante de son breuvage favori dont il se délecte de la mousse dégoulinante, une caricature de François 1er nous enjoignant à trinquer avec lui et enfin un Pierrot replet s’enfilant en douce une plâtrée de spaghettis sous le regard mi-complice mi-réprobateur de ses compagnes les lunes…

Cultivant l’équilibre parfait entre un univers personnel affirmé et la nécessité commerciale imposée par les annonceurs, Cappiello pose les jalons de l’affiche moderne dont les grands noms à venir, Cassandre, Carlu ou Loupot, revendiqueront l’usage de certains de ses procédés permettant de capter l’attention du passant. À nous maintenant de nous laisser captiver !

Cappiello ou l'art publicitaire, à la Maison Bergès (Villard-Bonnot) jusqu'au 13 décembre

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