Alennott, retour en couleurs

LEELA

Maison de l'International

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Peinture / Rare, son nom pourrait pourtant vous être familier : Alennott est né en Inde, y a encore des amis et de la famille, mais vit et travaille à Grenoble, où il revient exposer à la Maison de l’international. Rencontre avec un homme heureux d’échanger sur ses inspirations.

Il est des artistes qui n’aiment pas parler de leur travail, jugeant qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour l’apprécier et, plus encore, le comprendre. C’est la pudeur qui, parfois, explique que d’autres rechignent à apporter un éclairage – ou même un simple commentaire – sur ce qu’ils ont créé. Désolé pour celles et ceux qui aiment ranger les autres dans une petite case : Alennott, lui, ne peut être classé dans aucune de ces deux catégories. Bien au contraire, lorsqu’il sort de son atelier, l’artiste indien prend un plaisir manifeste à parler de ce qu’il fait et, dès que c’est possible, à accueillir les ressentis des autres. Il assure que ces échanges lui apportent beaucoup.

« Compléter un cercle »

Nous avons eu la chance de passer du temps avec lui avant le vernissage de Leela, sa nouvelle exposition à la Maison de l’international. Un lieu où il avait déjà eu l’opportunité de présenter son travail, en 2012. « Revenir ici, c’est comme compléter un cercle », nous a-t-il dit. L’homme attache visiblement une importance certaine aux symboles. Il est heureux aussi de pouvoir enfin montrer au public isérois certains tableaux déjà anciens et notamment celui qui représente son mariage avec Bénédicte. Une précision : même s’il se sent très à l’aise à Grenoble, sa ville d’adoption, et plus largement dans la région, ce n’est pas ici qu’Alennott a débuté : « L'inspiration m’est venue tout petit, à l’âge de trois ou quatre ans. Mon père m’avait offert un calendrier et je le contemplais depuis un tabouret. Les toiles de peintres indiens y étaient imprimées. »

Cette vocation précoce s’est confirmée quelques années plus tard, quand, à dix ans à peine, l’artiste a demandé l’autorisation de quitter l’école pour se consacrer à la peinture. Cela lui fut refusé, mais cela ne l’a pas empêché ensuite de devenir un étudiant de l’Université de Trivandrum, sa ville natale, qui proposait alors l’une des meilleures formations aux Beaux-Arts en Inde. Il y est resté quatre ans avant de voler de ses propres ailes, jugeant n’avoir plus grand-chose à apprendre auprès de ses professeurs et estimant préférable de compléter ses connaissances sur le terrain.


Derrière les noms

S’il est volontiers bavard sur son travail, Alennott n’en possède pas moins une part de mystère. Exemple : comme pour guider le public, il donne des noms à ses expositions et, dans le même temps, place en exergue de son site Internet une phrase en anglais qui dit que son art s’arrête là où les mots commencent. C’est que son approche de la peinture est tout à la fois intime et profonde. « Les noms, en Inde, ont en général beaucoup de sens. Pour créer, je suis parti de moi et je me suis demandé pourquoi mon père m’avait donné ce nom, Alennott, qui n’a rien d’indien et a plutôt une consonnance anglaise, alors que les Britanniques ont colonisé notre pays pendant plus de 300 ans et n’y ont pas fait que du bien ! J’ai fait des recherches pour comprendre mon identité, en partant d’abord de mes racines hindouistes, puis chrétiennes. Mon expression est plutôt figurative, mais je présente aussi beaucoup d’autoportraits. Chacun peut entendre les noms différemment. Ce qui m’importe, c’est ce qu’il y a derrière. Ma manière de m’exprimer, pour pénétrer la réalité, ce sont avant tout les figures, les formes et les couleurs. » L’artiste apparente la vie à une scène, sur laquelle chacun de nous est amené à jouer un rôle ou même des rôles successifs. Pour lui, « chaque œuvre vient répondre à une question intérieure. » Parmi ses influences, Alennott cite la philosophie indienne, dont on comprendra vite qu’elle est une partie de son identité.

« L’art, un magnifique instrument »

C’est un homme généreux que nous avons rencontré, convaincu que nous faisons partie d’un grand tout auquel nous sommes connectés en permanence, toutes et tous à égalité. « Montrer mes toiles, c’est m’ouvrir à ceux qui viendront les voir. Il est vraiment important pour moi de pointer l’importance de l’écologie. Présenter des œuvres, c’est prendre soin. L’art est un magnifique instrument pour véhiculer la conscience ». Pas question ici de prosélytisme religieux ou de militantisme, mais d’une envie d’aborder l’existence de manière sereine, avec les autres. Son épouse confie qu’Alennott n’est jamais aussi épanoui d’échanger que lorsqu’il expose. Contraint lui aussi à s’adapter à la crise sanitaire, il a perdu récemment deux amis proches, mais assure que sa famille a été épargnée. En temps ordinaire, voyager entre l’Inde et la France lui fait du bien et lui permet de prendre du recul sur l’un et l’autre des pays, ce qui est visiblement important pour lui.

Non réductible à un style, le peintre témoigne volontiers de son admiration pour de grands maîtres comme Monet ou Cézanne. Comme eux, il aime peindre la nature et a ainsi passé de longues journées à représenter son jardin. Impossible de ne pas remarquer que sa palette est riche de nombreuses couleurs vives : il se montre très touché à l’idée qu’elles puissent apporter de la joie à d’autres que lui. Son approche introspective de la création artistique ne le prive pas de son instinct : Alennott dit qu’il ne conscientise pas tout ce qu’il fait avant de poser son pinceau sur la toile. Il évoque sa conviction de ne pas être arrivé au terme de ses propres découvertes. On est impatient de voir la suite pour, peut-être, en parler avec lui…

Leela. Exposition du peintre indien Alennott à la Maison de l’international jusqu’au 23 juillet. Du lundi au vendredi de midi à 17h. Entrée libre.

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