« Une fermeture à 6 heures du matin est la bonne solution »

Depuis avril, l’Ampérage doit fermer ses portes à 2 heures du matin. Même constat pour le Drak-Art depuis décembre. Des décisions qui ont relancé le débat sur le devenir des lieux de pratiques culturelles nocturnes à Grenoble. On est allés à l’Hôtel de ville rencontrer Jérôme Safar, premier adjoint au maire (et accessoirement candidat aux municipales – mais là n’est pas l’enjeu), pour clarifier ces questions. Propos recueillis par Aurélien Martinez et Dimitri Crozet

Les débats autour de l’horaire de fermeture de lieux tels que l’Ampérage ont débuté avec des décisions de la préfecture. Quelle est la position de la ville là-dessus ?

La question n’est pas de savoir quelle est la position de la ville. Il s’agit d’un secteur [l’ouest grenoblois, niveau cours Berriat – ndrl] qui était une friche il y a une dizaine d’années, qui a vu la naissance d’équipements culturels. Tout cela se retrouve aujourd’hui inséré dans un quartier [Bouchayer-Viallet – ndrl] où du logement qui n’existait pas est apparu. On doit s’adapter à cette nouvelle configuration urbaine. C’est la première réflexion en cours avec l’Ampérage, je crois qu’ils sont conscients du problème.

Et qu’en est-il de la question des horaires de fermeture ?

La question est importante puisque cela fonde le modèle économique sur lequel les salles s’appuient. Aujourd’hui, clairement, les horaires qui leur sont proposés [fermeture à 2 heures du matin, avec des dérogations possibles jusqu’à 4 heures – ndrl] ne sont pas satisfaisants. Je pense, à titre personnel, que ce n’est pas satisfaisant pour la ville non plus notamment pour ce qui est de la gestion du public à la sortie des établissements. Je suis plutôt de ceux qui pensent qu’une fermeture à 6 heures du matin est la bonne solution. Cela permet aux salles de garder leur public le plus longtemps possible. De plus, à 6 heures du matin, les transports en commun fonctionnent à nouveau et des effectifs de police sont présents, alors qu’entre 2 et 3 heures du matin peu d’équipages de police nationale tournent sur l’agglomération. Je préfère qu’ils tournent pour de vraies urgences de sécurité plutôt que pour gérer la sortie d’une salle.

Peut-on assurer une vie culturelle nocturne à Grenoble sans désagréments ?

Nous sommes dans une agglomération avec 60 000 étudiants. On a donc besoin de lieux où les jeunes, et les moins jeunes, peuvent avoir des pratiques culturelles. Ce qu’on s’est demandé avec l’Ampérage et d’autres associations, c’est si tout doit se passer à Grenoble. On doit réfléchir sur l’ensemble de l’agglomération. Il y a peut-être des endroits qui permettraient d’accueillir du public jusqu’à 6 heures du matin, en faisant attention à ce que les transports en commun soient présents.

Je n’ai pas trouvé en face de moi des gens fermés à cette discussion, et il faut voir comment avec la ville, la préfecture, l’Ampérage mais aussi les habitants, on peut organiser les choses et évaluer ce qui fonctionne ou pas. C’est ce qu’on a fait quand on a mis en place la « Charte pour la qualité de la vie nocturne ». Je ne dis pas que tout est parfait mais au moins on a réussi à travailler ensemble. Clairement, je ne veux pas d’une ville morte. Parce qu’en tant qu’adjoint chargé de la sécurité, je sais aussi que cela générerait de l’insécurité.

Le débat n’est-il pas d’autant plus important que le quartier de l’Ampérage est affiché par la ville comme un pôle culturel ?

Il n’y a jamais eu la volonté d’avoir des quartiers qui soient connotés culturels, ou autres. C’est un quartier où il y avait déjà une présence culturelle déjà forte, qui va être renforcée avec la Belle électrique qui aura les mêmes problèmes d’horaires de fermeture.

Pôle culturel ou pas, on doit prendre en compte la question des logements et des riverains. Je pense qu’il faut avoir une discussion la plus sereine possible, on doit présenter aux habitants les données du problème avec leurs avantages et leurs inconvénients. De plus, il faut que les équipes culturelles travaillent avec nous sur la gestion de l’espace public. On ne peut pas, à chaque fois, se renvoyer les compétences des uns et des autres. Quand une salle accueille du public, elle doit aussi regarder comment on l’accompagne. On parlait la semaine dernière, par exemple, d’organiser des petits déjeuners pour que les gens restent le plus possible pour éviter un départ massif à partir de 5h du matin et pour gérer les flux plus tranquillement.

On sait très bien que quand on a une soirée jusqu’à 6 heures du matin, les départs entre 3 et 6 heures ne seront pas massifs comme pour lorsqu’il y a fermeture à 2 heures. Aujourd’hui, on a entre 2 heures et 6 heures du matin, sur l’espace public, des personnes qui continuent à faire la fête et qui gâchent la nuit de plusieurs dizaines d’habitants. Encore une fois, je préfère avoir à gérer des flux plus tardifs en corrélation avec les horaires de transports en commun et de la police. Sur cette question, j’ai eu en face de moi la semaine dernière des gens attentifs, pas des irresponsables que la question des riverains indiffère.

Une des autres inquiétudes soulevées est celle d’une éventuelle fermeture de l’Ampérage en contrepartie de l’ouverture en septembre de la Belle électrique, la nouvelle salle de musique amplifiée. Eliane Baracetti, adjointe à la culture, avait clairement écarté cette idée au mois de mai dans nos colonnes. Ce n’est toujours pas d’actualité ?

Non, et la discussion ne s’est jamais posée en ces termes-là. D’abord parce que la Belle électrique est une DSP (Délégation de Service Public), et c’est un bâtiment qui appartient à la ville, au contraire de l’Ampérage. La seule question qui se pose, c’est le devenir du Ciel et la manière de s’organiser entre la Chaufferie et la Belle électrique. Pour nous, il n’a jamais été question de lier l’ouverture d’un équipement à la fermeture d’une structure. Après, s’il y a des concurrences entre les équipes, ce sera à elles de gérer leurs relations.

On a interrogé beaucoup d’associations qui profitent du débat pour pointer qu’il y a un problème de salles à Grenoble, notamment un manque de différents éventails de jauge. Il y a une réflexion en cours à ce sujet ?

Aujourd’hui il y a une réflexion à avoir, oui. Mais elle n’est pas en cours. Je constate qu’à chaque fois qu’on pense avoir répondu aux problèmes de jauge, on nous dit qu’il y a encore des problèmes de salles. Je le redis, Grenoble seule ne pourra pas répondre à cette problématique. On devra regarder, à un moment, ce qui peut se faire sur Saint-Martin-d’Hères, sur Fontaine, sur Échirolles, sur Pont-de-Claix… Il y a peut-être des opportunités à saisir dans ces villes-là aussi. Je sais qu’il y a parfois une volonté d’être grenoblo-centré, mais on ne pourra pas répondre dans la seule ville de Grenoble à une demande qui émane de l’agglomération, et même au-delà. Donc la réflexion doit se faire à l’échelle de l’agglomération. Cette discussion-là n’est pas encore engagée mais ce sera une réflexion à mener dans les années à venir.

Je pense que les équipes qui gèrent les salles doivent pouvoir accueillir plus facilement les équipes qui n’en gèrent pas mais aimeraient en bénéficier. C’est une discussion qu’on a eue la semaine dernière. C’est peut-être à nous d’organiser la rencontre… Ça peut être le travail d’un adjoint à la culture en début de mandat.

Finalement, tout cet imbroglio permet de clarifier les choses ?

Oui, parce que le dossier dure depuis un moment et que si la préfecture a pris les devants, c’est pour calmer le jeu par rapport aux riverains. Car c’est vrai qu’il y eu un nombre de plaintes important, pas seulement sur l’Ampérage et le Drak-Art mais plus globales, qui remontaient à la préfecture et à la mairie. C’est pourquoi une décision a été prise à un moment, mais elle ne doit pas signifier qu’une porte se ferme. J’en ai parlé avec le préfet qui est bien conscient de ça : la volonté est de voir comment dépasser le problème.

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